INTERVIEW : Rencontre avec Marvin Jouno

Marvin Jouno

Marvin Jouno vient de sortir son premier album « Intérieur nuit », un disque très prometteur ! Nous sommes partis à la rencontre de cet artiste talentueux pour vous le présenter.

JustMusic.fr : Tu as travaillé pour le cinéma pendant de nombreuses années et aujourd’hui tu sors ton premier album. Quel est ton parcours ?

Marvin Jouno : J’ai étudié la mise en scène dans le cadre de mes cours de cinéma depuis le lycée. Ensuite, j’ai dû faire un stage et j’en ai choisi un dans la décoration pour le cinéma. J’y suis allé à reculons mais ça m’a beaucoup plu car je faisais beaucoup de mise en scène. Le côté manuel et intellectuel de ce métier était très intéressant. Je faisais enfin quelque chose de mes dix doigts alors que j’étais plus cérébral (sourire). Comme j’étais intermittent du spectacle, en parallèle j’avais le temps pour retrouver une pratique plus personnelle, la musique et la photo. En 2010 j’ai lancé mon site « Picture a song » où on pouvait retrouver mes photos et mes premières maquettes. De fil en aiguille la musique prenait de plus en plus d’importance alors qu’au début c’était plus la photo car j’ai eu l’occasion de faire quelques expos à Paris et à Bruxelles. Puis, la musique a pris plus de place et ça s’est concrétisé avec des concerts en 2013. Sur scène j’ai ressenti des sensations que je n’avais jamais ressenties. On a refait des maquettes et je les ai envoyées à « France Inter » pour le radio-crochet « On a les moyens de vous faire chanter » et à « Europe 1 » pour « Les 10 talents 2013 » et « Les iNOUÏs » du « Printemps de Bourges ». J’ai été sélectionné par ces 3 concours et ça a permis de mettre de la lumière sur mon projet. Il y a 2 ans j’ai donc tout mis de côté pour me consacrer à la musique. J’ai contacté plusieurs labels et j’ai signé chez « Un plan simple / Sony ». On va dire que je cherche mon média d’expression depuis 15 ans et du coup, je touche à tout. Aujourd’hui, je suis très content de faire de la musique car je peux aussi faire des vidéos et de la photo. Je ne me satisfais pas d’une activité, car j’aime bien toucher à tout (sourire).
J’ai commencé la musique au lycée dans un groupe et j’avais acheté une basse. Ça résume bien mon rapport avec la musique, mon côté autodidacte et décomplexé. Je ne sais pas ce que je fais mais je fonce (rires). J’avais laissé tout ça de côté et c’est la MAO (Musique assisté par ordinateur) qui m’a remis le pied à l’étrier car j’ai vu que je pouvais faire les choses seul. Le cinéma est une entreprise assez collective, tandis que je peux me débrouiller seul sans trop d’argent pour la photo et la musique. C’est ça qui m’a plu de retrouver une expression personnelle.

JustMusic.fr : Ton premier album « Intérieur nuit » est disponible depuis le 11 mars. Peux-tu m’expliquer le titre ?

Marvin Jouno : C’est la première indication qu’on retrouve dans un scénario. Ça donne les indications de lieux et de lumière et ça permet à tout le monde de travailler. Evidemment il y a un gros clin d’oeil pour le milieu du cinéma et je voyais aussi mon premier album comme un premier film. Dans le livret il y a une sorte de capture d’écran d’un film imaginaire pour chaque chanson et les paroles sont écrites sous forme de scénario. On est allé jusqu’au bout de la démarche en faisant un film qui illustre tout l’album. Je me dévoile beaucoup alors que je suis très pudique, c’est une sorte de lucarne sur mon intimité. Une sorte d’introspection du côté intérieur un peu nocturne. C’est aussi une indication pour une écoute optimale de cet album qu’on pourrait faire la nuit dans son salon (sourire).

JustMusic.fr : Peux-tu revenir sur la création de cet album, des chansons, des thèmes, des collaborations…

Marvin Jouno : Je travaille depuis 4 ans avec la même équipe et on est une famille. Il y a Angelo Foley qui a réalisé l’EP « Nuit 17 à 52 » de Christine and the Queens, qui est un ami d’enfance et on se connaît depuis qu’on a 8 ans. J’ai fait aussi appel à Agnès Imbault une pianiste de jazz qui travaille avec Juniore et Yanis. Je commence par composer avec mon piano et par la suite on retravaille le tout ensemble. J’ai toujours écrit et voulu chanter en français, mais j’avais peur de partir vocalement dans des trucs de variété. On a tenté de voir juqu’où je pouvais aller dans le chant tout en pouvant me regarder dans la glace. On a commencé par travailler dans l’ombre car au début on n’intéressait personne. Pour avoir une chanson il faut un refrain, et j’ai travailler dans le format pop en racontant tout en 3’30. Je voulais me frotter à ses codes très rigoureux pour pouvoir les exposer dans mes prochains albums. On est parti à Carpentras cet été au studio Vega et on avait que des pianos/voix. On avait 15 jours pour les arranger, les produire et implanter le décor. Pour les thématiques j’étais toujours au préalable car si je n’ai pas de texte je n’ai pas de chanson. Je parle des gens qui m’entourent, c’est plein de petits drames car j’avais besoin d’être impacté et parfois ça m’arrivait de pleurer en écrivant. Je peux aussi m’accaparer l’histoire des autres et même des oeuvres d’arts, des films, des romans, des photos… Parler de moi derrière ce prisme d’autres personnages. Je me suis amusé à imaginer la suite de « Cléo de 5 à 7 » dans le titre « Antoine de 7 à 9 », « Si vous vous plaît » parle d’un roman, d’une femme qui attend le retour d’un soldat qui ne reviendra jamais, elle perd espoir et on la suit pendant 30 ans, « Les chers leaders » parle d’une petite japonaise qui se fait enlever… J’aime bien quand il y a une petite histoire qui s’inscrit dans la grande. Je n’écris pas de chansons légères car je pars toujours d’un sujet profond. Il faut que ça me fasse quelque chose dans le ventre ! J’aime bien la notion que ce qu’on entend n’est pas toujours ce qu’on lit. Souvent après m’avoir entendu chanter, si vous lisez les textes vous pourrez découvrir d’autres sens. Ça m’amuse beaucoup et j’appelle ça une espèce de dyslexie (sourire). J’aime qu’on puisse être surpris par une lecture. C’est pour ça que j’ai fait ces vidéos lyrics car je trouve que ça donne un autre sens à la chanson quand les gens peuvent lire les paroles.

JustMusic.fr : Tu as donc pu placer ta passion pour le cinéma en réalisant un film qui porte le même nom que l’album. Peux-tu m’en dire quelques mots ?

Marvin Jouno : Suite aux vidéos lyrics que j’avais faites en Suède avec un copain en 3 jours avec un téléphone et en vélo, j’ai eu le désir d’illustrer tout l’album. J’ai donc déstructuré la trackist et j’ai décelé un fil rouge, une vraie histoire romantique. J’avais des textes qui ne rentraient pas dans le concept car sur 11 chansons j’en ai quelques unes qui parlent de cette épopée du couple. J’ai quand même réussi à les inclure et j’ai eu envie de le réaliser. J’ai fait appel au réalisateur Romain Winkler qui a fait des clips pour Odezenne. On a tout récrit et on a ajouté une trame. Puis, on est parti en Géorgie pour tourner. On a eu 1 mois et demi pour le faire et on n’avait pas d’argent. C’était irréalisable mais on a réussi (sourire) ! C’était une belle aventure et je suis assez fier du résultat. Il y a sans doute des tonnes de défauts mais il y a de l’esprit ! L’idée de base était d’inviter les gens à venir voir mon album.

JustMusic.fr : Les médias te comparent déjà à Benjamin Biolay ou encore Alain Bashung. Qu’est-ce que ça te fait ?

Marvin Jouno : C’est un véritable honneur et c’est très gratifiant ! Mais me comparer à eux juste avec 11 chansons est énorme et ça peut être pesant. C’est génial mais parfois je trouve que c’est réducteur car j’ai aussi ma propre proposition et on n’est pas obligé de la ramener à des choses qui sont déjà faites. Je fais ce que j’ai envie de faire sans calculs. J’ai une culture de chansons françaises mais j’en n’écoute pas beaucoup. Mais il y a toujours un côté rassurant à mettre les gens dans les cases.

JustMusic.fr : Quels sont les artistes que tu écoutes ?

Marvin Jouno : Arcade Fire, James Blake, Lykke Li… J’écoute de tout et j’ai eu des phases de blues, jazz, hip hop… J’aime les choses larges comme Phénix mais très exigeantes, étouffées et réfléchies. Quand j’avais 15 ans j’écoutais Björk et Radiohead. J’aime que les gens sachent se renouveler. Sinon depuis quelques temps j’écoute pas mal d’électro et je suis très sensibles à ces sonorités.

Marvin Jouno JustMusic.fr

JustMusic.fr : Et quels sont tes films préférés ?

Marvin Jouno : J’ai été très marqué par la nouvelle vague française tous les Godard, Truffaut… Et de par mes études je suis très fan de Kurosawa, Tarkovski et Bergman. Ça reste mes films de chevet (sourire). Je n’ai pas cité de titres mais juste des réals ou auteurs car je vais voir tous leurs films et je ne peux pas t’en citer qu’un. Après J’aime bien le cinéma indé européen et j’ai été marqué par celui sur le 31 août de Joachim Trier. J’ai aussi eu la chance d’aller deux fois dans l’espace avec « Seul sur Mars » et « Interstellar » (sourire). J’aime bien les choses grand public mais pointu, comme pour la musique.

JustMusic.fr : Si tu avais l’occasion de jouer dans un film quel est le rôle qui te plairait ?

Marvin Jouno : J’ai tourné dans les 4 clips de l’EP et dans le film, donc je commence à y prendre goût (sourire). Je ne suis pas comédien pour un sous mais je me dis que ce serait bien de commencer à garnir ma caisse à outils (rires). Quel type de rôle ? J’aime bien les gens qui courent donc un type en cavale (rires). L’idée de tenter de m’échapper de quelque chose ou de courir vers un idéal. De rejoindre quelqu’un ou quelque chose (sourire).

JustMusic.fr : Ta tournée vient de commencer et tu t’es produit à Paris le 5 avril à la Flêche d’Or. Comment ça s’est passé ?

Marvin Jouno : Pour le moment on a fait que deux dates et c’est un véritable plaisir de défendre cet album sur scène. C’est assez incroyable de pouvoir rencontrer mon public car je ne le connaissais pas bien. Je dois avoir 25 concerts dans les pattes et c’était souvent des premières parties ou des co-plateaux. Là, c’est la première fois que les gens font la démarche pour venir me voir (sourire). La Flèche d’Or a été une soirée incroyable et je ne sais pas si j’avais déjà autant reçu. J’étais dans l’instant présent et voir la réaction du public, qu’il connaissait les paroles était merveilleux (rires) ! Quand je suis sur scène j’oublie tout et je commence a prendre beaucoup de plaisir (rires) ! Ce n’était pas gagné au début car je subissais un peu à cause de ma timidité et mon côté réservé.

JustMusic.fr : Tu vas également assurer des premières parties pour Zazie et Michel Polnareff. Est-ce dur de chanter devant un public qui n’est pas venu pour toi ?

Marvin Jouno : C’est vrai que c’est particulier car on a l’impression d’un petit peu s’imposer, mais il faut se dire qu’on est là pour ouvrir le bal. Il faut essayer de titiller l’oreille de certains membres de l’assemblée (sourire). Pour Zazie, c’est moi qui l’ai suggéré à mon équipe. Je trouve qu’elle a ce côté pop, ce jeu sur le langage et je me disais que ça pouvait coller auprès de son public. Je suis persuadé qu’il sera aussi bienveillant que celui de Jeanne Cherhal, Julien Doré ou encore Yanis que j’ai croisé (sourire). C’est toujours impressionnant car c’est comme si on s’invitait à une soirée dans laquelle on n’était pas invité (rires). Mais en même temps on est invité par l’hôte (sourire). J’aime bien faire des premières parties car ça me permet de présenter mon univers et de donner envie aux personnes qui ont aimé de venir me voir pour mes propres concerts.

JustMusic.fr : Avec des débuts très prometteurs comment imagines-tu la suite de ta carrière ? Chanson ou cinéma ?

Marvin Jouno : Comme je te le disais je ne me refuse rien donc pourquoi pas réaliser un véritable film de fiction, écrire des nouvelles ou un roman… Mais je continuerai la chanson avec d’autres albums, j’aimerais écrire pour les autres et continuer à faire des concerts. Pour l’instant je veux mener cet album le plus loin possible et j’en profite sans me prendre la tête. Je me suis cherché pendant 10 ans en ayant l’impression parfois d’être dans une salle d’attente et même si aujourd’hui j’ai peur que tout s’arrête j’ai juste envie de me donner les moyens d’aller le plus loin possible pour pouvoir vivre de ma passion.

JustMusic.fr : Quels conseils pourrais-tu donner à un jeune artiste qui voudrait se lancer dans ce milieu difficile ?

Marvin Jouno : Je donne rarement des conseils car dans la vie chacun a ses ressources pour se débrouiller. C’est peut-être cliché mais je dirais qu’il faut être sincère et persévérant ! Ça ne sert à rien de tricher et de calculer ! Pour moi ça a été assez long mais il faut continuer d’y croire (rires).

JustMusic.fr : Avant de te laisser as-tu un message pour ton public ?

Marvin Jouno : Au début tout est un peu abstrait mais grâce aux réseaux sociaux et aux concerts, je commence à rencontrer mon public qui est naissant et je le trouve très sympa (sourire) ! Il est assez surprenant, riche et très large. Je les ai trouvés particulièrement chaleureux à la Flèche d’Or alors merci à eux (sourire) !

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