INTERVIEW : Rencontre avec Denfima

Denfima aime jouer le contrepied, choisir des angles originaux pour aborder des thèmes quotidiens. Son rap est coloré, soupoudré d’influences diverses ce qui rend son premier projet « Bloqué là-haut » original. Son dernier single « La nouvelle » en est l’exemple parfait. Découverte.

JustMusic.fr : Évoquons pour commencer ton single du moment « La nouvelle ». Où as-tu trouvé l’inspiration pour cette histoire, qu’est-ce qui t’a poussé à aborder ce thème ?

Denfima : Je dirais que c’est un condensé de plusieurs histoires et de discussions que j’ai pu entendre via des amis ou des gens après des concerts. Je connais pas mal de personnes dans cette situation, qui ont envie de faire des choses mais qui se « retiennent » dont parfois des filles . Ça peut aller de changer de travail à oser se faire un tatouage particulier ou assumer un style vestimentaire qui dénote . Tous ces échanges m’ont donné envie d’écrire sur le sujet. L’important n’est pas de savoir si on est bien socialement mais surtout si on est bien dans sa vie, en adéquation avec soi-même sans se soucier un maximum de l’avis des autres. C’est un constat général qui touche beaucoup de monde au final. Le morceau parle de tout plaquer, d’oser franchir le cap pour être mieux dans sa vie.

JustMusic.fr : Peut-on dire que l’une de tes principales sources d’inspiration ce sont tes potes ? Tu n’hésites pas à les bousculer dans tes morceaux, notamment dans le premier extrait de ton EP « Tu me fatigues » ?

Denfima : (Rires) Disons que mon entourage m’inspire ! Pour « Tu me fatigues », je parle en effet de personnes que je connais mais tout n’est pas centré sur mes amis. Certains se sont reconnus, c’est vrai, mais c’est aussi une autocritique. Quand j’évoque le mec qui délaisse ses potes, je parle aussi de moi. Quand je suis en concert le week-end et que je ne suis pas présent aux soirées, ils sont en droit de me dire que je passe moins de temps avec eux. L’entourage est une source d’inspiration mais aussi un prétexte pour aborder certains thèmes.

JustMusic.fr : Tu te définis comme un anti-héros, peux-tu nous expliquer ce que signifie cette appellation ? Qui est aussi le nom d’un morceau de ton EP.

Denfima : Un anti-héros c’est une personne qui fait la même chose que les autres mais qui arrive toujours à trouver une originalité, une autre manière de faire. Moi, par exemple, quand j’écris mes morceaux, je cherche toujours un angle différent. Dans la littérature ou dans les films, l’anti-héros est un personnage qui n’est pas super costaud, pas super beau mais qui a quand même un rôle à jouer. Quand on me demande quel style de rap je fais, je réponds : « Je fais du rap d’anti-héros ». Je peux aborder les mêmes thèmes que d’autres artistes mais différemment. On parlait de « Tu me fatigues » précédemment, c’est un bon exemple. J’aurais pu raconter l’amitié comme quelque chose de beau mais j’ai décidé de rendre le texte plus acide. « Mama coloc’ » est aussi très anti-héros dans l’approche. Dans le rap français, on est beaucoup dans l’idolâtrie de la mère alors que moi, je me rapproche du quotidien. La mentalité anti-héros, c’est faire de ses faiblesses une force et de ses défauts des qualités.

JustMusic.fr : Justement le titre « Mama coloc » est une déclaration originale. Comment t’es venu cet angle ?

Denfima : C’était une période où je passais beaucoup de temps chez ma mère, où on était devenus plus colocataires que dans une relation mère-fils classique, moins hiérarchique disons. On peut discuter de tout, il y a moins ce rapport « enfantilisant ». C’est une façon originale de parler de la mono parentalité qui est une situation de vie omniprésente à notre époque. J’en parle avec humour mais c’est aussi une autre manière de montrer l’amour que j’ai pour ma mère et de mettre en avant la complicité qu’on peut avoir aujourd’hui avec nos parents. Le titre est né à une période où je me demandais si je devais prendre un chez moi et où, en fait, je me suis dit que j’étais très bien chez ma mère. Comme une contre-crise d’adolescence.

JustMusic.fr : « Bloqué là-haut » est le titre de ton EP et celui d’un morceau du projet. Qu’est-ce que cela signifie ?

Denfima : «Bloqué la haut » résume la période, l’état d’esprit dans lequel j’étais quand j’ai écrit le projet, pendant la phase de création. C’est-à-dire que j’étais dans un entre-deux, entre le rêve et la réalité. Entre est-ce que je me lance dans la musique parce qu’ il y a quelques personnes qui croient en moi ou est-ce que je trouve un boulot et je fais du rap à côté ? C’est une situation que j’arrive assez bien à décrire dans le morceau et qui ne concerne pas que moi. Énormément de personnes sont bloquées entre aller au bout de leurs rêves et la réalité du quotidien. De manière générale, mon EP tourne beaucoup autour de la thématique du choix.

JustMusic.fr : Comment est né cet EP ? Suite à ta victoire aux tremplins ?

Denfima : C’est un ensemble de choses qui m’ont décidé en fait, notamment les tremplins oui. J’ai senti un engouement, les gens me demandaient où ils pouvaient m’écouter et je n’avais rien à leur répondre. Seuls les lives sur YouTube pouvaient permettre d’avoir un aperçu de ma musique. Ce projet va permettre aux gens de me suivre réellement. De plus, défendre un projet sur scène, c’est encore plus motivant, plus concret. Le fait d’avoir enchaîner les concerts avant cet EP m’a permis de faire grandir certains morceaux comme « L’anti-héros » dont il y a eu plusieurs versions. Le fait d’avoir ce projet m’a permis également de me booster pour finir les maquettes que j’avais de côté !

JustMusic.fr : Ta musique mélange plusieurs styles. Quelles sont tes influences ? Ton genre musical de prédilection ?

Denfima : Sincèrement, j’écoute de tout mais je pense que le style qui prédomine c’est le rap, sans aucun doute. Je n’ai aucun tabou à dire que je cherche à faire du rap populaire, qui n’est pas forcément destiné à une certaine cible, à un public en particulier. Je veux toucher le plus d’oreilles possible tout en ayant à cœur de faire du rap. Musicalement, je suis très branché rap, ça reste mon influence première dans le texte, la chanson française également, le jazz et l’électro. Mes compositeurs amènent aussi beaucoup leurs influences sur les morceaux. On a des goûts communs mais ils ouvrent ma musique à d’autres sonorités. Il faut juste que ça me parle, que je ressente la prod.

JustMusic.fr : Comment as-tu débuté derrière le micro ? Quel a été le déclic ?

Denfima : J’ai commencé à l’âge de 13-14 ans dans un atelier d’écriture à la MJC de ma ville Le Castenet. Des gens de mon collège savait que j’écrivais et ils m’ont motivé à y participer. Ce qui m’a poussé à écrire, c’est l’adolescence. Je pense qu’à ce moment de notre vie, on a tous besoin de s’exprimer : par le sport, la musique ou autres. Et au vu de mes soucis de santé, le sport, c’était compliqué pour m’épanouir totalement, donc je me suis lancé dans l’écriture. J’ai toujours aimé écrire. Quand il fallait faire des rédactions en cours, je le faisais toujours avec plaisir. En parallèle, j’ai découvert le rap français et suite à cet atelier, je suis monté sur scène avec d’autres jeunes de ma ville. Pour moi, c’est vraiment sur scène que j’ai commencé le rap. Ensuite, j’ai enchaîné sur des concerts et aujourd’hui, j’ai la chance d’en être là !

JustMusic.fr : Qu’espères-tu avec cet EP et que nous prépares-tu pour la suite ?

Denfima : La première idée, c’est de ne pas m’arrêter au niveau de la création. Même si à l’arrivée, ce sont des titres qui ne sortent jamais, je veux garder cette dynamique, continuer à écrire. En ce qui concerne mon EP, le but est avant tout de le défendre sur scène et que les gens l’écoutent et le partagent. Si j’arrive à vendre tous mes CDs, je serai content mais le plus important pour moi, c’est qu’on découvre ma musique et qu’on en parle. Aujourd’hui, je ne sais pas quelle forme aura mon prochain projet mais j’aimerais bien ne pas trop attendre pour bosser dessus. Je veux montrer que cet EP n’est pas qu’un épiphénomène, qu’il y a quelque chose de régulier derrière.

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Fabien BRIET