INTERVIEW : Rencontre avec Cyril Mokaiesh

    Cyril Mokaiesh_JustMusic.fr Cloture_Cover Nous sommes partis à la rencontre du talentueux Cyril Mokaiesh qui vient de sortir un magnifique album intitulé « Clôture ».

    JustMusic.fr : Pour commencer peux-tu me faire un petit bilan de ton précédent album « Naufragés » qui a été très salué par la critique ?

    Cyril Mokaiesh : D’un point de vue artistique, cet album a été un geste assez fort pour moi car je baigne au milieu de la chanson française et il y a certains auteurs qu’on ne demande qu’à (re)découvrir. J’en ai d’ailleurs découvert certains avec ce projet par l’intermédiaire de mon pianiste Giovanni Mirabassi comme Jacques Debronckart, Bernard Dimey ou encore Allain Leprest que j’expérimentais depuis quelques mois. Puis, l’envie m’a pris d’essayer de dégoter des auteurs et des chansons marquantes avec des plumes trempées dans la beauté mais aussi la sueur et les blessures de chacun de ces artistes. J’ai bizarrement pris un plaisir fou à interpréter ces oeuvres et on est parti tous les deux sur la route pendant presqu’un an et j’ai commencé à écrire mon nouvel album. Pour moi c’était un bain de jouvence d’aller chanter ses belles chansons, tout en essayant d’écrire ma petite histoire. Cela m’a changé et je ne soupçonnais pas que faire un projet de reprises allait me nourrir autant.

    JustMusic.fr : Pourquoi as-tu appelé ton nouvel album « Clôture » qui est également le dernier titre de l’opus ?

    Cyril Mokaiesh : C’est effectivement le dernier titre de l’album et c’est celui qui comble le mieux le sentiment global du disque. Il est question de l’époque bien sûr, des plaies, des blessures des temps modernes, il est aussi question de moi car je me livre parfois à la première personne en disant des choses intimes. C’est une espèce de fresque hors format qui est le petit film de cette période où j’ai essayé de photographier un moment de nos vies.

    JustMusic.fr : La chanson qui ouvre l’album est « La loi du marché ». Tu t’es inspiré du film du même nom de Stéphane Brizé et c’est d’ailleurs lui qui a réalisé le clip de ce duo avec Bernard Lavilliers. Peux-tu me dire quelques mots sur ces deux collaborations ?

    Cyril Mokaiesh : J’ai vu le film de Stéphane Brizé et, comme pour la plupart, je n’en suis pas sorti indemne.C’est un film coup de poing avec la performance incroyable de Vincent Lindon. Il va dans l’intime des gens, dans ce qu’ils ont de plus tendre et bizarrement la poésie est souvent dans les petites choses. A la fin du film, je me suis dit que je n’allais pas faire un album qui parle d’amour, de mes coups de coeur, des chansons « anecdotiques »… mais j’avais envie de tremper ma plume dans l’actualité en essayant du haut de mes 31 ans d’écrire un petit peu le sentiment qu’on peut traverser quand on est acteur et spectateur de son époque. Le film a déclenché quelque chose chez moi ainsi que la rencontre avec le réalisateur. Je lui ai écrit un mail pour lui dire tout le bien que je pensais de son travail et j’ai glissé que j’avais écrit une chanson qui n’avait pas encore de nom, mais que si je m’écoutais elle s’appellerait comme son film. Il m’a répondu adorablement en me disant qu’il avait écouté mon travail et qu’il était curieux d’écouter ma chanson. On a correspondu un petit moment car il était en tournage et puis je me suis lancé en lui demandant de réaliser le clip. Je suis très fier d’avoir partagé ce moment avec Stéphane Brizé.
    Ensuite la question s’est posée de savoir si je voulais la chanter seul ou en duo car le propos et la construction du morceau s’y prêtaient. Je me suis alors une fois de plus lancé en contactant Bernard Lavilliers et il a accepté très rapidement. Je pense qu’il a été assez touché par la chanson.

    JustMusic.fr : En parlant de collaboration, il y a aussi un autre duo pour le titre « Houleux » avec Elodie Frégé que l’on retrouve également sur la pochette de dos…

    Cyril Mokaiesh : L’idée était de ne pas reconnaître l’artiste ou la personne qui se trouvait sur la pochette, mais plus se demander si cette main devant ma bouche me demande de me calmer, de me taire ou alors qu’elle est en train de m’apaiser. Savoir si cette personne pouvait représenter l’époque ou bien si c’était moi… Ces questions m’amusaient et effectivement il y a un duo avec Elodie dans le disque. C’est une personne que je connais depuis longtemps, je l’apprécie en tant que personne et en tant qu’artiste. Juste avant d’enregistrer le disque j’étais en concert au Châtelet et je lui avais demandé de venir me rejoindre pour quelques titres. Elle m’a alors proposé d’écrire des chansons pour son prochain disque. On se suit artistiquement depuis des années et il y a quelque chose de naturel entre nous. Je sentais qu’il fallait une voix féminine pour mettre un peu de lumière dans tout ça et j’ai tout de suite pensé à elle (sourire).

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    JustMusic.fr : Tu as dis que tu essayais de mettre de la tendresse dans des sujets qui sont compliqués. Comment t’y prends-tu pour écrire ?

    Cyril Mokaiesh : Il y a des chansons qui font échos à l’actualité alors pour celles-ci je vais simplement observer ce qu’il se passe, lire le journal ou dialoguer avec des gens pour avoir des points de vues. J’ai toujours une oreille ouverte sur les sentiments des autres et le mien se développe forcément. Tout part souvent d’une colère, d’un sentiment d’impuissance ou l’envie de ne pas changer les choses mais de commencer par le dire. Il y a une phrase de Jaurès qui dit : » Il n’y a pas de révolution sans conscience ». Le but est de toucher les gens, la politique est froide et n’émeut personne… donc une chanson réussie c’est quand on arrive à y mettre du coeur. J’essaie de mélanger un point de vu personnel et général.
    On retrouve des titres plus personnels comme « Blanc cassé » ou « 32 rue Buffault ». Ce sont des moments de vies que j’ai envie de photographier pour en faire une chanson. Il faut emmagasiner le plus d’images possible et à un moment donné éprouver quelque chose qui a besoin de prendre forme.

    JustMusic.fr : Comment t’es-tu senti après avoir écrit toutes ces chansons ? C’est comme une libération, une thérapie ?

    Cyril Mokaiesh : Oui c’est un peu de ça. J’en ai écrites une trentaine et j’en ai gardées 11. Après chaque chanson je me suis dis que je pouvais passer à autre chose et c’est vrai que souvent, je fais des titres impliqués et non légers ou encore moins humoristiques. J’essaie de mettre un peu de poids et du sens, donc il faut le porter. Quand c’est en construction, ça m’occupe et j’y travaille beaucoup, car comme ce sont des sujets forts je ne peux pas me permettre de les survoler. C’est un sentiment personnel de savoir quand la chanson est finie, mais quand c’est le cas, c’est vrai que c’est un soulagement.

    JustMusic.fr : Ton dernier concert parisien s’est déroulé à la Boule Noire le 16 novembre 2016 et le prochain se passera à la Maroquinerie le 28 février prochain. Comment s’est-il déroulé et que nous réserves-tu pour cette nouvelle date parisienne ?

    Cyril Mokaiesh : La Boule Noire était comme une sorte de libération car ça faisait un moment que je n’avais pas joué mes chansons en groupe. C’était un plaisir de retrouver mes musiciens dans cette salle qu’on connaissait et le public m’a réservé un très bel accueil. C’était un concert chaleureux et respectueux de notre part et de celle du public. C’était un joli moment (sourire). Pour la Maroquinerie, on va essayer d’affiner tout ça pour faire un spectacle beaucoup plus long. Je pense qu’il y aura quelques invités surprises et j’espère que ce sera plein, que ce sera une belle fête, enfin une fête à la Mokaiesh (sourire).

    JustMusic.fr : « Clôture » est disponible depuis le 20 janvier et il est déjà très salué par la critique. On lit souvent que c’est un album « engagé », « fort », « bouleversant »… Acceptes-tu cette étiquette de chanteur engagé ? Comment te décrirais-tu ?

    Cyril Mokaiesh : Il faut bien mettre un mot à ce type de chansons qui se frotte à l’actu et qui est conscient du monde dans lequel on vit. En France, on dit que c’est de la chanson engagée, et ça me va à partir du moment que je garde en tête que l’engagement est dans la rue et certainement pas dans l’artiste. Je ne suis pas quelqu’un qui revendique des convictions qui appartiennent à un parti et j’ai même horreur d’appartenir à une tribu quelle qu’elle soit. Ce que j’aime est de pouvoir être un électron libre qui s’approprie une situation pour en faire un sentiment personnel. Brassens disait qu’à plus de 4 on était une bande de cons, j’aime bien cette phrase et l’idée de bien garder ma liberté (sourire).

    JustMusic.fr : Pour terminer as-tu un message à adresser à ton public ?

    Cyril Mokaiesh : Je le remercie car c’est un public qui grandit et il y a un noyau dur qui me suit depuis mes débuts avec mon groupe. Ils le font avec respect et brio car ils arrivent à me toucher avec des mots ainsi que des petits objets, comme ça m’est arrivé dernièrement. Pour moi, ce ne sont pas des fans mais des personnes qui m’accompagnent. J’espère que je continuerais à les surprendre et comme je n’ai que 31 ans, je veux que ça dure encore le plus longtemps possible (sourire).

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    Cyril Mokaiesh Interview JustMusic.fr

    Cyril Mokaiesh Dédicace JustMusic.fr