Lulu Gainsbourg est de retour avec un nouvel EP « Nuit infinie » que nous vous conseillons vivement de découvrir. Il a répondu à toutes nos questions avec gentillesse et générosité.
JustMusic.fr : Ton nouvel EP sort le 26 septembre et il s’appelle « Nuit infinie ». Qu’est-ce que représente la nuit pour toi et pourquoi ce choix de thème ?
Lulu Gainsbourg : J’ai une bonne relation avec la nuit depuis presque toujours. Je suis un oiseau de nuit, un peu insomniaque sur les bords, donc ça m’arrive de faire des insomnies. Je me couche relativement tard quotidiennement. Je trouve que la nuit est inspirante et que ça n’a rien à voir avec la journée, dans le rush et tout ça… Je ne dis pas que c’est forcément calme, mais il se passe plein de choses la nuit dont la plupart des gens qui dorment ne sont pas au courant (sourire). Je ne sais pas si c’est le fait d’être artiste, si je tiens ça de mon père ou autre, mais en tout cas je suis en admiration devant la nuit, peut-être aussi parce que j’ai un côté astrologie. J’adore les étoiles et mon vinyle, qui de base est noir, est recouvert d’étoiles pour représenter la nuit.
JustMusic.fr : Tu parles d’un tournant résolument pop dans ta carrière : qu’est-ce qui a déclenché cette évolution musicale ?
Lulu Gainsbourg : J’ai voulu me lancer dans un style différent de ce que je faisais avant, surtout après « Replay » qui a été un tournant dans mon chemin musical. J’avais envie de m’essayer à quelque chose de nouveau, de me surprendre moi-même. J’ai notamment travaillé avec les frères Aubert qui sont très orientés pop. On avait commencé à bosser ensemble sur « Replay » et comme on a super bien accroché, surtout avec Val qui est un gars assez exceptionnel… Il y a aussi quelques guitares rock et je suis en train de préparer un nouvel album qui est plus ambiancé pop-rock.
JustMusic.fr : On va maintenant parler des différents titres de l’EP.
« Le syndrome de Peter Pan » : Tu explores le refus de grandir et le désir de rester dans l’innocence. Est-ce une métaphore de ton propre rapport à la vie ou plutôt un clin d’œil à la culture pop ? Comment as-tu travaillé pour mêler sons rétro et rythmes modernes afin d’illustrer ce conflit entre enfance et âge adulte ?
Lulu Gainsbourg : J’ai toujours un côté enfant en moi, dans ma façon de m’habiller par exemple (il me montre son t-shirt à l’effigie de Peter Pan) et je me suis même fait tatouer Peter Pan car c’est un peu le premier super-héros que j’ai découvert dans ma vie, mais aussi le premier Disney dont je me souviens. Je l’ai emmené dans mon imaginaire depuis tout petit, avec mon deuxième super-héros Goku que je me suis aussi tatoué (sourire).
J’ai aussi un côté jeu vidéo, c’est ce côté enfant qui fait partie de moi et j’en suis heureux aujourd’hui. Je dirais que je suis un enfant adulte avec plein de souvenirs. Je suis également un grand rêveur, avec un petit monde parallèle dans ma tête (sourire). Je pense que tous les enfants ont déjà rêvé de ne jamais grandir comme Peter Pan.
Pour ce côté pop, je me suis inspiré de Michael Jackson qui est une grande source d’inspiration pour moi. Vers la fin du morceau on m’entend faire des chœurs à sa façon et c’est un petit clin d’œil. Michael Jackson a marqué au fer rouge mon inspiration musicale et c’est un des plus grands artistes de notre époque, parmi d’autres.
JustMusic.fr : « Nuit infinie » est présenté comme une plongée dans le monde des rêves et des mystères de la nuit. La chanson est très onirique, presque hypnotique. Quelle était ton intention en termes de textures sonores et d’ambiances ?
Lulu Gainsbourg : Je me suis démarqué légèrement des autres titres et c’est vrai que j’ai souvent des petits morceaux instrumentaux calmes, des petites valses ou une ou deux ballades. Nuit infinie, c’est ma ballade nocturne où j’explique un peu une sorte de parcours pendant la nuit. Il y a un peu de moi dans ce morceau : je suis quelqu’un qui se couche relativement tard, pas par souhait ni par choix. Pour l’instant ça va, même si c’est un peu fatigant (sourire).
JustMusic.fr : « Turbulences » parle de voyages et d’escapades amoureuses. Est-ce inspiré de tes expériences personnelles ou d’un imaginaire plus universel ?
Lulu Gainsbourg : Je me suis inspiré de quelques expériences personnelles, notamment celles de mon autrice Lilou. Elle est stressée des décollages en avion et moi des atterrissages. J’ai le mal des transports, surtout en bateau. Le train étrangement ça va, et en avion j’ai été malade pendant des années. C’est revenu après la Covid car je n’avais pas voyagé pendant longtemps. Quand il y a des turbulences, on ne sait pas trop ce qu’il se passe alors qu’il n’y a rien du tout… Je n’ai pas peur en avion mais c’est mon corps qui n’accepte pas certains moments qu’il trouve désagréables.
JustMusic.fr : « Elle » : Tu dialogues avec une intelligence artificielle. Qu’est-ce qui t’a donné envie de traiter ce sujet dans une chanson ? Le ton est à la fois ironique et futuriste : tu voulais provoquer, faire sourire ou lancer une réflexion sérieuse sur la place de l’IA dans la création ?
Lulu Gainsbourg : Je n’ai pas voulu provoquer car je ne me sens pas encore dans cette case de provocateur. Je pense que c’est important d’en parler, car mieux vaut tard que jamais. On a des avis différents concernant ce sujet : certains se disent que c’est génial, que c’est le futur, qu’on n’a pas trop le choix et qu’il va falloir s’adapter. D’autres, comme moi, se questionnent et je me demande dans la chanson si on en a vraiment besoin. C’est un assistant à tout faire jusqu’au jour où on va devenir son propre assistant. Est-ce que c’est sans danger ? Je pense qu’il faut s’inquiéter et que c’est important d’en parler. Il faut apprendre à gérer tout ça, même si ça existe depuis un certain temps.
JustMusic.fr : « Mother nature » : Tu t’adresses à la planète dans ce titre, avec une atmosphère de nuit orientale. Comment est née cette idée de prier ou de confesser auprès de la nature ? On sent une dualité entre sonorités modernes et thématiques écologiques. Comment as-tu équilibré ces deux univers ?
Lulu Gainsbourg : C’est comme l’IA, je pense que c’est important de parler des catastrophes climatiques qu’on est en train de vivre depuis des années. Il y a des personnes qui font les ignorants mais c’est vraiment important de le souligner. C’est une chanson qui est importante pour moi, c’est aussi le pilier de la transition entre l’univers musical de Replay et celui de l’EP. J’ai trouvé que c’était mieux de le faire en parlant, car même si j’aurais pu mettre une mélodie, j’ai senti que c’était mieux de cette façon. On ne demande pas aux ignorants de sauver la planète mais de faire un effort et d’être solidaires.
JustMusic.fr : Tu as fondé ta structure « Why Music » avec Lilou et tu collabores désormais avec les frères Aubert. Qu’est-ce que cela a changé dans ta façon de travailler ?
Lulu Gainsbourg : Au moment où je créais cet EP, j’étais un peu perdu avec moi-même, j’avais des doutes et je n’avais pas confiance en moi – ça a toujours été le cas d’ailleurs – mais cela me fait avancer. Je flottais un peu dans l’air, je n’avais pas encore atterri et j’avais besoin de me remettre à faire du studio. Je suis très content du résultat de ce travail avec les frères Aubert.
JustMusic.fr : On retrouve Billie Chedid dans les chœurs. Comment s’est faite cette rencontre ?
Lulu Gainsbourg : On se connaît depuis très longtemps… On m’a appelé pour participer à un hommage à mon père fin août 2011 au Hollywood Bowl. La direction musicale était assurée par Beck, j’y suis allé avec -M- et elle était là. Je l’ai vue grandir, évoluer, chanter ses premières chansons et je l’ai toujours trouvée très talentueuse. Au moment où elle a posé sa voix sur l’EP, elle allait enchaîner avec le sien qui est d’ailleurs sorti et qui est très réussi.
JustMusic.fr : Tu travailles aussi avec la directrice artistique Sarah Makharine pour tes clips. Quelle importance accordes-tu à l’image dans ce projet ?
Lulu Gainsbourg : L’image est très importante car ce que je veux représenter est légèrement différent de ce que je faisais avant. Je suis très content de cette collaboration et du résultat obtenu.
JustMusic.fr : Tu as beaucoup voyagé (Amsterdam, Londres, Portugal…). Comment ces lieux ont-ils façonné ton univers musical ?
Lulu Gainsbourg : Je suis passionné de voyages depuis mon plus jeune âge et j’ai eu la chance de pouvoir le faire. J’ai vécu aux États-Unis, je suis allé plusieurs fois au Japon et j’y ai même fait des concerts. Mon seul regret de ces vingt dernières années, c’est de ne pas y avoir habité pendant un an (sourire). Je baigne dans les mangas depuis toujours et j’ai même pris des cours de japonais quand j’étais étudiant à Berklee. Je me suis aussi beaucoup rendu en Inde, et voyager a forgé ma personnalité. Je ne sais pas si je le fais bien mais j’ai un style éclectique. J’essaie de le faire, et essayer c’est s’amuser, donc tant qu’il y a de l’amusement c’est la base ! Mes voyages ont marqué mon chemin musical et je n’ai pas fini (sourire).
JustMusic.fr : Après « Replay » plus sombre, tu sembles t’orienter vers quelque chose de plus lumineux et dansant. Est-ce lié à ton état d’esprit actuel ?
Lulu Gainsbourg : C’est vrai qu’avec « Replay » j’étais dans une ambiance plus sombre, et c’était voulu. Là, on est dans une vibe plus lumineuse et pleine d’espoir, même si la chanson sur l’IA et celle sur le climat sont plus « Warning ». Mon état d’esprit a évolué mais un peu plus tard, après avoir fait l’EP. Il a été enregistré il y a un petit moment et il va enfin sortir. Je suis déjà sur l’écriture d’un nouvel album et j’ai hâte de passer à la suite.
JustMusic.fr : Tu vas être en showcase et en séance de dédicaces à la Fnac Montparnasse le vendredi 26 septembre à 18h. Est-ce qu’il y aura aussi des concerts ?
Lulu Gainsbourg : Je vais faire quelques premières parties de Lamomali et j’annoncerai les dates prochainement. J’admire le travail de -M- depuis des années, j’ai déjà travaillé avec lui plusieurs fois dont sur deux titres du nouvel album de Lamomali. C’est un ami remarquable et bienveillant qui donne toujours la chance à des artistes d’univers différents de faire ses premières parties. J’espère qu’il y aura d’autres dates à partir du printemps prochain.
JustMusic.fr : Pour finir, si tu devais résumer « Nuit infinie » en une seule émotion ou en une image, laquelle choisirais-tu pour définir l’esprit de ce projet ?
Lulu Gainsbourg : Je dirais la sensibilité, car pour faire de la musique et en écouter il faut être sensible. Quand on écoute quelque chose ou qu’on regarde un film, il y a des émotions qui ressortent. Je pense que c’est important d’assumer notre sensibilité car ça nous définit en quelque sorte. J’essaie de faire passer un message à travers mes chansons et les textes que Lilou écrit. Elle est motivée, elle se bat pour plusieurs causes et je la soutiens. Je pense qu’il faut parler du climat et des IA, mais qu’on ne soit pas considérés comme des fous. La musique est un métier magnifique et on peut parler de tout.
Retrouvez Lulu Gainsbourg sur Facebook, Twitter, Instagram et TikTok.