INTERVIEW : Rencontre avec Monitors

Monitors est un groupe qui s’est formé au fil de soirées parisiennes frénétiques mais qui a tout pour durer dans le temps. Une méthode de travail expérimentée, un vrai regard sur le monde et des influences musicales variées. Leur premier EP est disponible, l’occasion pour un bar-reportage autour d’un micro et d’une bière, bien évidemment.

JustMusic.fr : Si vous deviez présenter votre groupe et son univers ?

Monitors : Nous sommes nés de la fièvre des soirées parisiennes en club qui se finissent très tôt le matin. On a découvert la techno et les clubs de la capitale assez tardivement dans nos vies de fêtards mais notre but, notre envie, est de fusionner cette ambiance avec l’esprit des concerts qu’on aime énormément et qu’on revendique depuis le début.

JustMusic.fr : Parce que votre but, d’après votre présentation, est « d’abolir les frontières musicales » ?

Monitors : C’est dans un premier temps d’abolir les frontières entre le club et la salle de concert. Par exemple, ce qu’on aimerait beaucoup c’est faire un concert au Rex à deux heures du matin, avec l’ambiance qui règne aujourd’hui quand on joue en live. Avoir des musiciens, une vraie formation de groupe mais jouer tard, en mode club. C’est la première frontière qu’on aimerait franchir. On a horreur des concerts « spectacles » ou tu es assis et où tu regardes statiquement les gens sur scène.

JustMusic.fr : La deuxième frontière est donc musicale ?

Monitors : Oui, aujourd’hui la musique est sclérosée, tout doit être défini par style, par genre. Si tu fais du rap tu seras obligé de jouer devant un public rap et participer uniquement à des soirées hip-hop. On rêverait de faire un festival où il y a des artistes rap, techno, électro ou autres. Nous-mêmes, on ne fait que des concerts avec des groupes qui sont dans notre style, c’est dommage. Ce serait tellement beau de mélanger ! On a commencé par la techno et le rock. Nous sommes ouverts à tous les styles musicaux, il faut juste qu’il y ait une sincérité et un feeling avec l’autre artiste. Le groupe Gorillaz, par exemple, est un excellent mix d’influences.

JustMusic.fr : Dès l’écriture de vos textes vous pensez à la scène ? Vos morceaux sont taillés spécialement pour le live ?

Monitors : Non pas vraiment, il y a la phase d’écriture, avec le sujet que l’on traite et la mélodie. La scène, le spectacle et une toute autre partie. En live, nos morceaux sont plus directs, plus percutants, ils prennent une autre dimension. C’est comme pour Iggy Pop. Il y a une différence entre le ressenti lors de l’écoute de notre EP et la découverte de ce même projet en live.

JustMusic.fr : Comment se passe la phase de création alors ? La naissance d’un morceau ?

Monitors : Il faut bien avoir en tête que lors de notre création, c’était juste un délire entre amis, un groupe de potes. Au départ, on avait simplement envie de faire un morceau marrant, une chanson pour nous, pour se marrer. Suite à ce projet, on s’est rendu compte qu’on abordait la musique de la même manière, on est tombé artistiquement amoureux, on peut le dire ! (Rires) Comme on est voisins, on s’est vus régulièrement et on a commencé à créer une dizaine de morceaux « brouillons ». De là, on a trouvé notre rythme et notre méthode de travail. Aujourd’hui, tout se fait naturellement, on échange beaucoup.

JustMusic.fr : Et pourquoi ce nom « Monitors » pour le groupe ?

Monitors : En anglais, le mot « monitors » a une première signification matérielle : enceintes et écran. La deuxième, c’est le côté observation. Enfin, c’est la caméra, le point de vue. En résumé, Monitors pour le son, la vision et l’observation. L’œil, un point de vue particulier sur certains sujets. Dans chaque chanson, on aborde un sujet différent avec la touche, les yeux de Monitors. Sans oublier le côté ironique de notre société où il y a l’omniprésence des écrans dans nos vies aujourd’hui, alors que nous ne sommes pas trop réseaux sociaux… Mais pas le choix aujourd’hui dans notre développement artistique. À moins que quelqu’un puisse nous prouver le contraire ? (Sourire)

JustMusic.fr : À quel moment, pourquoi avez-vous eu l’idée de créer un groupe, de faire de la musique ensemble ?

Monitors : Ce qui nous a vraiment décidés, c’est clairement l’amour de la fête, des clubs parisiens. C’est dans ce contexte que l’on s’est rencontrés, qu’on est devenu amis et qu’on s’est rendu compte qu’on aimait la même musique. Et surtout que l’un était musicien et l’autre chanteur ! De là, on a pris conscience qu’on pouvait faire notre musique, nos chansons.

JustMusic.fr : Si on regarde vos profils, vos parcours, on se rend compte que ce n’était pas si évident au départ ?

Monitors : C’est vrai qu’on a eu des vies très différentes, l’un vient d’ex-Yougoslavie (Emil) et l’autre de Liverpool (Chris), mais toutes les deux très riches en anecdotes, riches en parcours de vie. Le point commun, c’est la musique, on a énormément écouté de musique plus jeunes. Les anglais accordent beaucoup d’importance à la musique par rapport à d’autres nations. C’est l’un des rares pays où quand tu sors le soir, on peut venir t’aborder pour savoir quel album ou quel groupe tu écoutes en ce moment. Liverpool est une ville plutôt pauvre mais la musique est une richesse qui se partage.

JustMusic.fr : Si vous deviez citer des références musicales communes ?

Monitors : On a vécu quelques concerts ensemble qui ont été très importants pour nous, notamment celui de Seaford Mods qui nous a beaucoup influencés, c’est un groupe anglais très fort de ces cinq dernières années. Le concert de Rendez-Vous, le groupe français post-punk également. Savages au Trianon, Girl Band… Et d’autres plus connus comme The Clash ou les Sex Pistols.

JustMusic.fr : Le premier single se nomme « No irish, No Blacks, No Dogs » (traduction : « Pas d’irlandais, pas de noirs, pas de chiens »), vous nous expliquez ? Dénoncer en provoquant ?

Monitors : La première fois que Chris a entendu parler de cette formule, c’était dans la biographie de John Lydon, le chanteur emblématique des Sex Pistols. « No Irish, No Blacks, No Dogs » est le titre de son livre. Il est irlandais et Chris a également des origines irlandaises (et fan de ce groupe au passage), ce qui a fait qu’il a été marqué par cette œuvre. Après avoir enregistré plusieurs morceaux où on avait fini par trouver notre style, Chris a repensé à cette formule à l’été 2017, au moment du Brexit. C’est un retour dans le passé, un moment où les origines ont recréé des différences, des fractures dans la population. Chris a eu beaucoup d’amis qui ont été témoins de cette haine envers les différentes ethnies, les étrangers présents en Angleterre. C’est un sujet très fort, on avait besoin de l’aborder même si c’est un sujet sensible. Tous nos morceaux ne sont pas politiques mais là, c’était un besoin, une manière de dénoncer ironiquement la bêtise humaine. L’œil Monitors !

JustMusic.fr : Et le nom de votre EP, « Notes from the aftermath » ?

Monitors : C’est un jeu de mots entre les notes, les écrits, quelqu’un qui a un carnet et qui note ses observations et les notes de musique. « Aftermath » c’est une séquelle, donc un ressenti sur quelque chose, sur un événement, un sujet.

JustMusic.fr : En ce qui concerne les visuels de votre projet, c’est très rouge non ?

Monitors : En effet, c’est tout simplement une illustration de l’expression « j’ai vu rouge ». Rouge, c’est l’énervement, c’est le no control sur scène, pas de limites dans la création… Le fait de rester sur une couleur, c’est également une sorte de papier cadeau sur cet EP, qu’il y ait une cohérence esthétique. Et pour en avoir discuté avec des musiciens, quand on compose, il y a des couleurs, des images qui viennent à nous, ça s’est imposé naturellement. Le rouge et le noir, c’est à la fois très doux et très violent.

JustMusic.fr : Qu’attendez-vous de ce premier EP ?

Monitors : On voudrait réussir à créer chez les gens la même excitation que nous on a pour nos groupes préférés. Que quelque chose passe. On travaille encore sur ce point. Nous sommes contents de ce projet mais le but est de toucher, de véhiculer une émotion chez l’auditeur. On aimerait que les gens ressentent notre sincérité. Après si on peut vivre de notre musique ce sera forcément génial mais il faut surtout qu’on continue à s’amuser, à aimer ce que l’on crée.

JustMusic.fr : Si on parle futur proche ?

Monitors : Notre grand rêve c’est de faire un duo avec Kate Bush, qui ne fait plus rien musicalement depuis à peu près douze ans. C’est notre rêve ! (Rires) Sinon au niveau des projets, on est en concert à L’International à la rentrée, notre deuxième EP est quasi prêt et un nouveau clip devrait être dévoilé bientôt !

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Fabien BRIET