INTERVIEW : Rencontre avec Natalia Doco

Natalia Doco vient de sortir son nouvel album « La sagrada ». N’hésitez pas à le découvrir car il est magnifique !

JustMusic.fr : Peux-tu me faire un petit bilan de « El buen gualicho (casa del arbol) », qui parlait de la nature ?

Natalia Doco : C’était une recherche de tout ce qui était ancestral en moi, cette lignée qui vient des indiens Guaranis du Nord de l’Argentine, à la frontière du Paraguay. C’est une culture qui a été maltraité et qui reste encore très secrète aujourd’hui. Trouver des informations a donc été très compliqué. Les femmes avaient leur place dans tout ça, mais quand les Espagnols sont arrivés elles ont dû renoncer car c’était interdit. Toutes les femmes de cette spiritualité ont disparu, tout le monde a dû parler en espagnol et le guarani a également été effacé. J’étais passionnée, je suis allée en Argentine et j’ai posé plein de questions. J’ai senti qu’une porte s’était ouverte pour moi intuitivement, et j’ai voulu m’exprimer en musique. Durant cette période, on avait déménagé dans cette maison au milieu des Landes avec cette forêt et cette rivière. J’ai passé deux ans à être émerveillée par cette nature et elle m’a beaucoup inspirée. C’était une expérience incroyable et j’étais vraiment connectée.

JustMusic.fr : Ton troisième album « La sagrada » est disponible. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Natalia Doco : Ça veut dire celle qui est sacrée.

JustMusic.fr : Le disque commence avec une prière, tu parles de la nature, du monde, de la résurrection ou encore de Dieu. Il y a une introduction et un fin. Est-ce une histoire que tu as voulu raconter ? Quel est le concept ?

Natalia Doco : L’ordre s’est fait de façon naturelle. J’ai vécu tout ce processus car je suis allée à la rencontre de la vérité des femmes. Je me suis mariée ensuite je suis devenue maman, et je me suis rendu compte que j’avais suivi un schéma qui n’était pas tout à fait aligné avec celle que je suis. Je n’allais pas très bien, être maman dans la forêt ne me correspondait plus après quelques années. J’avais complètement intégrée ce rapport à la nature et actuellement même si nous sommes à Paris, je peux me connecter à la forêt sans y être. « Je suis la forêt » comme je le dis dans une de mes chansons (sourire). J’ai commencé une quête pour trouver mon équilibre en étant maman. Je voulais retrouver le chemin de ma carrière et de femme, sans me perdre dans mes responsabilités en tant que maman et épouse. Même si une femme est en couple avec un homme féministe ou qui comprend ces valeurs, ils ne sont jamais égaux. Les hommes ont tendance à en faire moins car ce n’est pas dans leur nature (sourire). Quant aux femmes, elles portent une charge mentale qui devient asphyxiante. Je ne pouvais plus respirer et je n’avais plus d’énergie pour créer. Je suis donc allée de plus en plus loin, en regardant comment l’éveil se plaçait dans la sexualité, la sensualité ou encore l’érotisme. Tout ça était interdit pour moi car j’ai choisi de recevoir une éducation très religieuse. Le sexe était dans le domaine du diable et j’ai grandi avec de nombreux tabous. Une fois que je suis devenue maman, une porte s’est ouverte et j’ai voulu en savoir plus. Je me suis aperçu que plus j’étais dans mon canal spirituel, plus je pouvais sentir cette espèce de sensualité qui était de l’ordre du spirituel. J’ai fait beaucoup de recherches dans l’ancienne Égypte, je suis allée dans des histoires occultes comme celles de Marie-Madeleine, la mère Marie ou encore de Jésus.
Comme je pensais que je ne pouvais plus composer, j’ai fait une prière devant la rivière et en pleine nuit. C’était la pleine Lune et j’ai senti comme un éprit féminin qui descendait pour me faire un gros câlin et qui me disait qu’il allait m’apprendre tout ce qu’il savait. Je me suis mise à chanter et je me suis fait la promesse que j’allais m’accorder un moment rien qu’à moi tous les jours pour me trouver et ensuite en faire un album.

JustMusic.fr : C’était difficile ?

Natalia Doco : Très difficile car ma vie était rasée par cet élan de liberté qui était tellement puissant. A un moment donné je n’avais envie de rien, car les choses ne venaient pas de mon cœur mais d’un schéma classique de la vie. Lorsqu’on s’en aperçoit il n’est plus possible de faire semblant et de fonctionner de cette façon. C’est pour cette raison que j’ai décidé de revenir vivre à Paris pour me simplifier la vie de toutes les tâches ménagères pour redevenir la mère moderne que je voulais être. C’était aussi une petite déception, car quand je vivais dans la nature ça me plaisait et j’avais une vision idéologique. Lorsque je suis revenue ici avec mon fils, la vie que j’avais était celle qui me correspondait à cent pour cent ! Tout ça était beaucoup plus réel que tout ce que je me forçais à être. J’ai trouvé mon bonheur d’être maman, j’ai pu terminer mon album en un an et je le trouve merveilleux par rapport aux précédents (sourire). Toutes les chansons représentent tous les pas initiatiques que j’ai fait dans cette quête. A la fin, quand j’ai tout écouté pour faire la tracklist, c’était comme un puzzle et ça m’a fait pleurer. Toutes les femmes vont pouvoir se retrouver à travers mes chansons et elles le feront à leur manière. Il faut que les femmes trouvent le courage de faire les choses comme elles le souhaitent et avec leur cœur, dans un monde qui les oblige à être tant de choses à la fois. Nous devons nous permettre de réunir tous les morceaux de nous pour être un être entier, ce que je considère comme étant la sagrada. Quelque chose d’entier, de puissant, de solide et qu’on ne peut pas arrêter.

JustMusic.fr : En effet, cet album va parler aux femmes, mais à ton avis que vont en penser les hommes ?

Natalia Doco : Je pense qu’ils nous verront différemment et qu’ils comprendront notre lutte de façon plus intuitive. C’est vrai que ça m’intéressait de savoir ce que les hommes allaient penser de mon album, alors j’ai fait quelques tests avec des potes (rires). J’ai aussi demandé à mon père qui est très macho, mais qui fait plein d’efforts car il a deux filles (sourire). C’est vrai que c’est difficile pour lui car il est d’une autre génération avec une culture très machiste et paternaliste. Il a été très ému et il m’a même demandé s’il pouvait faire un album qui s’appellerait « Sagrado » pour parler des droits des hommes (rires). Il m’a aussi envoyé des messages sur des réflexions qu’il se faisait. C’est comme des graines qu’on sème et qui va appeler à la réflexion. Des copains se sont retrouvés dans les chansons et ça m’a fait très plaisir vu que je ne l’ai pas fait dans ce sens-là (sourire).

JustMusic.fr : Pourquoi as-tu rendu hommage au film « Madre de los dioses » de Pablo Agüero avec « Decreto » ?

Natalia Doco : Je devais jouer dans son dernier film « Les sorcières d’Akelarre ». Mais finalement ça ne s’est pas fait car comme c’était une production basque, il fallait le parler et ce n’était pas mon cas (rires). Nous sommes devenus très amis et son film m’a beaucoup inspiré. C’est un mec incroyable et il est très intelligent. Il me montrait les images de son prochain film et je lui faisais écouter les chansons de mon album. J’ai voulu m’inspirer de ses films pour écrire un titre et il a accepté. J’ai l’impression que ça a fini par compléter l’idée de « La sagrada ». Nous en sommes tous les deux très fiers (sourire).

JustMusic.fr : Tu seras au Café de la Danse le 29 mars 2023. Comment vas-tu représenter cet album sur scène ?

Natalia Doco : Il y a quelques jours j’ai tourné pour l’émission « Les concerts volants » pour Arte. J’ai chanté pendant une demi-heure et c’était incroyable ! C’était mon deuxième concert car le dernier datait d’il y a 5 ans. J’étais au Cabaret Sauvage et j’ai tout donné, c’était tellement riche que j’ai senti une puissance que je n’avais jamais ressenti sur scène. J’ai hâte d’être au Café de la Danse car le show va durer 1h30 (sourire).

JustMusic.fr : Que peux-tu ajouter pour donner envie au public de venir à ton concert ?

Natalia Doco : Ce sera comme une espèce de cérémonie, comme lorsqu’on rentre dans une messe évangélique. On va se promener dans toutes les émotions, on va s’aimer à travers toutes les chansons. J’ai vraiment pensé ce spectacle avec tout mon cœur ! Je veux que tout le monde sorte de mon concert avec une porte qui s’ouvre et qui donnera ses fruits dans le long terme. L’idée est que chaque femme puisse être de plus en plus connectée à son cœur, car c’est là qu’on trouve la puissance. Un monde avec des femmes qui vivent avec leur puissance est un monde qui va forcément changer.

JustMusic.fr : Pour terminer, quel est le meilleur endroit et le meilleur moment pour écouter « La sagrada » ?

Natalia Doco : C’est ce que je conseille à tous mes amis (sourire). Il faut l’écouter le soir, en étant allongé avec des écouteurs et en fermant les yeux. Et si c’est possible, allumer une bougie et se laisser emporter. J’ajouterais qu’il est très important d’écouter les chansons dans l’ordre car il y a un fil rouge (sourire).

Retrouvez Natalia Doco sur Facebook, Twitter et Instagram.