Faudel signe enfin son grand retour et partira à la rencontre du public sur la grande tournée « I gotta feeling ». Porté par de nombreux projets, l’artiste compte bien reconquérir le public français, qui ne l’a jamais oublié. À l’occasion d’une intense journée de promotion, il a répondu à toutes nos questions avec une grande générosité.
JustMusic.fr : Tu as été propulsé très jeune sur le devant de la scène. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur cette période où tout est allé très vite ?
Faudel : Après, quand ça démarre comme ça… c’est wow ! Tu prends tout en pleine face. J’ai encaissé comme si j’étais sur un ring, dans un match de boxe où je me faisais taper. Attention, je ne cherche pas d’excuse : j’ai vécu de très bons moments aussi. Mais c’est dur quand t’as 17 ans, avec « Tellement je t’aime » qui explose et te propulse sans que tu sois préparé. Je n’essaie vraiment pas de m’excuser, j’assume complètement.
Le plus compliqué, ça a été d’encaisser tout le reste : l’éducation financière, comment se préparer juridiquement, comment se préparer au travail, comment s’organiser… En France, on n’est pas formés pour ça. Je ne suis pas un pro-américain, mais par exemple aux États-Unis, on prépare les artistes à tout ça, même à la santé mentale. Et aujourd’hui, voir de plus en plus d’artistes en parler, c’est magnifique.
J’ai adoré l’interview de Malik Bentalha où il aborde la santé mentale. J’ai vraiment kiffé ce mec, parce qu’au-delà de son talent, il a osé en parler. Et c’est vrai que… waouh, c’est dur quand t’es pas préparé. Quand tu viens d’un milieu ouvrier, que t’as pas les connaissances ni les codes… Il faut être vif, mais la réalité, c’est que souvent tu subis.
JustMusic.fr : A l’époque il n’y avait pas les réseaux sociaux…
Faudel : T’as raison. Tu sais, à notre époque, on n’avait pas tous les outils d’aujourd’hui. J’écoutais M. Pokora l’autre jour : il disait qu’avant, c’était péjoratif de venir d’un boys band. Tu te rappelles ? Quand tu voulais démarrer une carrière derrière, t’étais déjà « sous l’eau ». C’était compliqué, vraiment compliqué.
Aujourd’hui, les artistes ont des instruments que nous, on n’avait pas : ils ont des moyens, ils sont directeurs artistiques d’eux-mêmes, ils ont du community management, ils sont présents sur les réseaux… Ils arrivent déjà structurés. Tout ce que nous, les « anciens », on a dû apprendre dans la douleur : la communication, la direction artistique, suivre une ligne, parfois imposée par le label, parfois non… Au bout du troisième album seulement, on devenait enfin « efficaces ».
La musique a tellement évolué. Et franchement, je trouve que les jeunes d’aujourd’hui se débrouillent super bien.
JustMusic.fr : Dans un reportage pour « Paris Match » en novembre dernier, tu expliques chanter depuis l’âge de 12 ans et qu’à 33 ans tu étais « cramé ». À quel moment as-tu senti que tu dépassais tes limites ?
Faudel : En fait oui, c’était vraiment une super interview, j’étais content de pouvoir tout dire clairement, sans détour. Tu sais, quand t’as fait « Tellement je t’aime », « Dis-moi », « Je veux vivre », « 1, 2, 3 Soleils » à 20 ans… j’ai envie de te dire : t’as quasiment déjà tout fait.
Et grâce à « Tellement je t’aime », « Baïda » ou « 1, 2, 3 Soleils », je ne vais pas dire que j’ai fait le tour du monde, mais j’ai quand même exploré pas mal de pays.
Aujourd’hui, par exemple, on va faire la tournée « I gotta feeling ». J’ai accepté d’abord pour la camaraderie : je retrouve des amis des années 2000, et ça fait du bien. Il y a Séverine Ferrer, que j’adore, je la trouve formidable. Donc j’y vais avec plaisir.
Et surtout, j’y vais avec moins de stress qu’avant. Je ne viens pas en terrain conquis — il faut toujours faire ses preuves — mais j’arrive avec un peu de bouteille, d’expérience.
On parlait de la santé mentale des artistes… mais c’est valable dans tous les métiers, même dans le journalisme. On ne sait pas s’arrêter. On subit des pressions de partout. Je ne dis pas que c’est la faute des autres : c’est tout un système. Quand la machine tourne, tu ne peux pas l’arrêter comme ça. Et à un moment, le corps ne suit plus.
Quand tu regardes les Américains, c’est encore une autre dimension. Justin Bieber, par exemple… aujourd’hui ça va mieux, mais ce sont des machines. Je ne sais même pas comment ils font. Nous aussi, c’est intense, mais leur niveau à eux… le pays est un continent, tout est démesuré.
Ici, on n’a pas vraiment de moment pour dire : « Stop, je coupe tout, je me vide la tête et je reviens. » C’est ce qui m’est arrivé : ça fait 15 ans que je n’étais pas revenu en France. J’avais besoin de souffler.
JustMusic.fr : Tu racontes que ton départ au Maroc en 2011 t’a permis de te reconstruire. À quoi ressemblait ton quotidien loin des projecteurs ?
Faudel : Tu sais, très simplement… Même si en France on peut avoir une « vie extraordinaire », ce n’est pas la réalité du quotidien pour tout le monde, et je le reconnais. Mais malgré tout ça, moi j’ai une vie simple aujourd’hui. Je me suis reconstruit. J’ai divorcé en France, puis je suis parti au Maroc au départ juste pour me reposer. Je ne pensais pas du tout y vivre.
Et finalement, le Maroc m’a énormément apporté. Il m’a beaucoup donné dans ma reconstruction. Je parle de ma nouvelle femme aujourd’hui, de mes enfants… Le quotidien est très simple : école, famille, musique. Je faisais encore des spectacles, mais avec beaucoup moins de stress. Chaque pays a une façon différente de fonctionner : l’Asie, l’Europe, les États-Unis… rien à voir. Et là-bas, pour moi, c’était plus léger, plus respirable.
Mais en revenant en France, je me suis rendu compte que j’avais de la nostalgie. J’ai redécouvert le pays.
Tu sais, quand Obispo m’écrit « Mon pays », les gens n’avaient pas compris ce que je voulais dire. Mon pays, c’est ici. Je suis français, j’ai une double culture : d’origine algérienne, né à Mantes-la-Jolie. Et en revenant, je me suis dit : « Waouh, on a quand même la chance de vivre dans un pays exceptionnel. »
Mais en même temps, j’ai l’impression qu’on est en train de le bousiller… ça part dans tous les sens.
Aujourd’hui, avec les réseaux, tout est galvaudé, déformé. C’est devenu bizarre. Et ça m’a fait prendre conscience d’une chose : l’importance de la France.
Je ne dis pas que les pays dits « du tiers monde » ne sont pas bien — chaque pays a sa culture, son histoire, sa façon d’être.
Mais je me suis dit : « Wow… la France est en train de partir en vrille. »
JustMusic.fr : Tu le disais tout à l’heure, tu vas participer à la tournée « I gotta feeling ». Qu’est-ce qui t’a vraiment convaincu de revenir ? Pourquoi n’es-tu pas revenu avec un nouvel album ?
Faudel : Tu sais, je n’ai jamais fait tout ça pour « payer mes impôts ». Aujourd’hui, ça fait 32 ans que je fais de la musique. J’ai de la chance : le raï s’exporte beaucoup, donc j’ai pu continuer à travailler ailleurs.
Mais ce qui m’a vraiment plu dans ce projet, c’est la camaraderie. Tu retrouves des gens avec qui tu faisais de la promo à l’époque. Aujourd’hui, tout est plus simple, je prends les choses avec beaucoup plus de recul.
J’ai toujours un challenge, parce que c’est important pour moi. Sur les 25 concerts, je fais trois ou quatre chansons, donc un peu plus que les autres. Je sens que j’ai quelque chose à défendre. Je réponds aussi à une demande : j’ai fait quelques recherches… On m’avait proposé un projet similaire il y a quelque temps, que j’avais refusé — sans prétention — et apparemment j’ai bien fait, parce que je ne le sentais pas.
Moi, je fonctionne énormément au feeling : ressentir les gens, l’équipe, l’énergie.
Et avec Damien, son équipe, le backline, la production… tout s’est aligné. Aujourd’hui, c’est un ami, c’est mon manager, et il a réussi à me convaincre parce que l’ambiance est ludique. J’ai l’impression de monter dans un bus pour partir en colo, tu vois ce que je veux dire ? C’est léger, c’est humain, c’est fun.
Et ça nous a même donné une idée : je vais te révéler un truc — on prépare un Olympia pour fin 2026. On vise le mois de décembre, on n’a pas encore la date exacte, mais c’est lancé. Et je suis super content.
Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, je vois énormément de retours. On s’en occupe sérieusement, mon comité et moi. Je ne sais pas si tu as regardé mon Insta, mais on a dépassé le million de followers, c’est pas mal.
Et souvent je me dis : « Faudel revient. » Tout à l’heure, on a tourné pour « 50 Minutes Inside ». Je reçois des demandes d’interviews, d’artistes, de journalistes… Et je ne fais de différence avec personne, parce que je suis passé par là. Que ce soit un « petit » média ou un grand, pour moi c’est pareil : si quelqu’un veut me rencontrer, je suis là.
Et puis, il y a aussi un truc que j’ai remarqué : le raï est en train de revenir en France. Peut-être moins dans le grand public — parce que moi je suis dans le grand public — mais dans l’underground, c’est en train de bouger fort. Sur les réseaux, tu vois les soirées raï, les dates se remplissent à une vitesse… Il y a un vrai engouement autour de la musique algérienne.
Donc voilà : pour 2024 et 2025, ce retour m’a vraiment plu. Et puis je fais pas mal de concerts, donc j’avais envie d’être présent.
JustMusic.fr : Comment te prépares-tu physiquement et vocalement pour ce véritable retour sur le devant de la scène ?
Faudel : C’est très concentré : on a trois mois de concerts. Et ça m’a plu, parce que je continue déjà à faire des concerts. Donc si tu veux, dans l’exercice, je suis dans le mouvement, je ne me suis jamais vraiment arrêté. Je suis un peu fainéant sur le sport, je l’avoue (rires), mais la voix, je la travaille tous les jours, sans exception.
Je fais attention à ce que je mange. Là, j’ai pris un peu de sucre parce que j’ai eu une grosse journée, et pour être en forme avec toi pour l’interview. Je ne suis pas très « coca », je fais gaffe. Je ne dîne pas le soir, je fais un minimum attention.
C’est important pour moi : je marche beaucoup et je m’entretiens.
JustMusic.fr : A part ton concert à l’Olympia, vas-tu sortir un nouvel album ?
Faudel : Oui, tout ça nous a ouvert plein d’idées. Par exemple, moi je ne serais pas contre un vrai mélange de genres autour du raï populaire — parce que moi je fais du raï populaire. On a déjà vu Jean-Jacques Goldman écrire une chanson magnifique pour Khaled, qu’on a chantée avec « 1, 2, 3 Soleils » : “Aïcha”.
Et tu vois, je verrais très bien quelqu’un comme Vianney — qui n’a rien à voir avec le raï — faire quelque chose avec moi. Je ne vais pas aller le demander, mais je suis sûr que j’assumerais totalement ce type de collaboration.
Là, on a déjà préparé trois chansons. Je n’ai rien demandé à Vianney, mais on avance : il va y avoir un album, une maison de production, une tournée… et le retour de Faudel en France.
JustMusic.fr : Tu me parlais de Vianney, mais quels artistes de la nouvelle génération apprécie-tu ?
Faudel : Je me suis rendu compte de l’amour que j’ai pour la France. J’avais oublié à quel point je kiffe la chanson française. C’est souvent quand tu t’éloignes d’un pays que tu réapprends à le connaître. Et là, moi je vois cette nouvelle génération… c’est incroyable comme ils sont forts. Tu vois un Gims : c’est une machine. Ce qu’il fait, c’est formidable.
Dans l’urbain, un artiste comme Soolking… c’est un truc de dingue. Ce qu’ils produisent, la manière dont ils se gèrent : ce sont à la fois des artistes, des entrepreneurs, des machines de travail.
Et la musique française aujourd’hui, c’est plus du tout ce que c’était il y a vingt ans.
Tu vas à Dubaï, tu entends Gims. Je te jure, je suis sûr qu’en Asie tu entends aussi des chansons françaises. Je suis persuadé que ça voyage énormément maintenant.
Et tout ça, ça m’inspire.
JustMusic.fr : Qu’as-tu envie que les fans ressentent en te retrouvant après tant d’années ?
Faudel : Je pense qu’il y a encore une vraie fan base, ceux qui ont toujours été là, et j’en connais certains personnellement. Mais aujourd’hui, j’aimerais aussi qu’il y ait de nouveaux visages.
Avec « I Gotta Feeling », on va avoir des parents qui viennent peut-être avec leurs enfants, et c’est beau : ça montre que ça continue, que ça se transmet.
Quand tu regardes des artistes comme Florent Pagny, ça fait des années qu’il est là, et tu vois très bien les générations de fans qui se succèdent. Les anciens restent, et de nouveaux arrivent.
Moi, j’aimerais exactement ça : faire découvrir ce que je fais à ceux qui me suivent depuis le début, et en même temps à une nouvelle génération.
En tout cas, je suis très heureux de retrouver mon public. Parce que c’est grâce à eux que tout a commencé. Et crois-moi, quand tu es sincère, le public te suit. Il voit tout, il sait tout.
JustMusic.fr : C’est vrai que tu as fait énormément de jolies choses, mais quel est ton plus beau souvenir ?
Faudel : J’étais sur un nuage quand j’ai fait l’Olympia. J’ai même eu la chance d’habiter carrément à côté de chez Madame Cocatrix — et pour moi, c’est ça, l’Olympia.
Je me souviens encore du jour où le producteur est venu me voir et m’a dit : « Faudel, on a bloqué l’Olympia. » Je te parle de ça il y a presque 30 ans. Waouh… j’en ai encore des frissons.
J’ai tellement de souvenirs forts : « 1, 2, 3 Soleils », mon entrée au « Musée Grévin » il y a 25 ans… Mais l’Olympia, ça a été vraiment quelque chose. Ça m’a fait un effet indescriptible.
Et puis, il y a aussi le moment où j’ai entendu ma première chanson à la radio… Ça, c’est un choc que tu n’oublies jamais.
JustMusic.fr : Tu faisais quoi ?
Faudel : C’était sur NRJ, en voiture. On allait bosser, on partait faire un concert en province, c’était la galère : il pleuvait, la route était longue… Et là, d’un coup, j’entends « Tellement je t’aime » à la radio. Sur NRJ.
Ce moment-là, je ne l’oublierai jamais.
JustMusic.fr : Avant on t’appelait « le petit prince du raï », comment souhaites-tu qu’on t’appelle aujourd’hui ?
Faudel : Toujours pareil : aujourd’hui, je l’assume complètement. Dire « oui, j’assume », ça me fait plaisir. Tu sais qui m’a appelé le petit prince du raï ? C’est Michel Drucker, avec Zazie, le soir où on a fait les Victoires de la musique. J’étais dans la catégorie « révélation de l’année », et en ouvrant l’enveloppe il a dit : « Voilà… le petit prince du raï. »
Depuis, c’est resté.
D’ailleurs, avec mon équipe, on a fait des T-shirts, parce que je tourne dans pas mal de pays, et j’ai mis « Prince of Raï – Faudel », avec un logo. Aujourd’hui, je l’assume totalement.
Je ne suis pas Prince le chanteur (rires), mais le prince du raï, ça me va !
JustMusic.fr : Et si je te dis « Tellement je t’aime », que me réponds-tu ?
Faudel : Je pense à toi, la tulipe… un peu, beaucoup, passionnément, à la folie.
Et puis il y a eu ce premier clip où je cours après une fille… Ce clip-là, il a marqué des générations. Je peux le dire aujourd’hui : quand tu dis « Faudel », beaucoup de gens répondent « ah oui, celui qui court après la fille ! ».
Même Stromae en avait fait un remake pour rigoler — c’était ludique, c’était sympa.
« Tellement je t’aime », pour moi, c’est tout : c’est le clip, c’est la chanson, c’est le début de ma carrière. C’est grâce à ça que tout a commencé.
JustMusic.fr : Pour conclure, as-tu un message à adresser au public ?
Faudel : Aujourd’hui, je dis au public : merci.
Merci pour leur fidélité, merci d’être toujours là.
Et j’espère que cette tournée « I Gotta Feeling », ce retour ici en France, va vraiment leur plaire.
Il y a plein de choses qui arrivent, plein de projets qui se préparent, et j’espère de tout cœur qu’ils ne seront pas déçus.





