INTERVIEW : Rencontre avec Elan

Après une grande expérience en tant qu’accompagnatrice, Elan passe à l’avant-scène, avec des textes intimes portés par le violoncelle et l’électronique. Nous vous conseillons de découvrir son bel univers avec son nouveau single « Se retrouver ».

JustMusic.fr : Tu viens du classique, du conservatoire, des grandes scènes en tant qu’accompagnatrice… Qu’est-ce qui t’a poussé à te mettre enfin au centre, à passer de l’ombre à la lumière ?

Elan : J’ai toujours écrit des textes et composé au piano. Quand j’étais enfant, je passais des après-midi entiers à chanter en yaourt en m’accompagnant de trois accords. Je m’imaginais déjà interpréter ces chansons sur scène, mais mon syndrome de l’imposteur — qui se manifestait par un besoin de contrôle et de perfection — m’en a empêchée pendant des années.

À l’époque, les téléphones portables n’existaient pas encore, donc j’enregistrais tout dans ma tête et j’écrivais sur du papier à musique. Je ne connaissais pas les open mic, et je ne suis pas sûre que j’aurais eu le courage de m’y produire.
J’espérais secrètement qu’à force de chanter fort, quelqu’un viendrait frapper à ma porte en me disant : « Mais c’est super, faisons quelque chose ! » (rires).
Finalement, accompagner des artistes, faire beaucoup de scènes, m’a permis de gagner en assurance et de savoir exactement où je voulais aller.
Les choses se sont vraiment faites naturellement : les années ont passé, je me suis équipée en matériel, j’ai pu enregistrer mes premières maquettes, les faire écouter à des amis musiciens, puis j’ai décidé de chercher un réalisateur pour m’aider dans la production.

C’est comme si les graines plantées à l’adolescence avaient pris le temps de pousser, pousser, pousser… jusqu’à ne plus tenir dans la pièce, au point d’en exploser les murs. Il fallait que ça sorte au grand jour, avant que cela ne pourrisse, ne se flétrisse, et ne nourrisse une grande frustration créatrice.

JustMusic.fr : Quand tu as commencé à écrire pour toi, quelle a été ta première intuition sonore ? Était-ce évident de mêler lyrisme, violoncelle et électro ?

Elan : Ma toute première intuition, c’était vraiment de la chanson française. J’avais beau écouter en boucle Avril Lavigne, Evanescence ou Apocalyptica, quand tu chantes des histoires d’amour tristes au piano, rien n’y fait : c’est chanson française à fond ! (Et puis soyons francs, j’écoutais aussi Nostalgie et Chante France en boucle ! (rires))
Mais dans ma tête, j’ai toujours entendu une rythmique très présente. Sauf que je ne savais tout simplement pas comment la reproduire.

Si je m’étais lancée à 15 ans, ma musique aurait sans doute davantage ressemblé au pop rock qui avait pignon sur rue à l’époque.
Finalement, les influences plus électroniques — au sens de l’utilisation de la MAO — sont arrivées avec le temps.

À l’époque, j’ai écumé les soirées du Social Club où Brodinski était résident, les concerts de Gesaffelstein… Je travaillais beaucoup l’improvisation au violoncelle électrique sur ce type de musique, et c’est comme ça que le désir de mélanger le lyrisme issu de ma formation classique, le violoncelle et l’électronique m’est venu.

JustMusic.fr : La scène semble être un vrai territoire d’expression pour toi. Qu’est-ce que tu ressens juste avant d’y monter ? Et une fois la lumière éteinte ?

Elan : Pour être totalement transparente, le moment juste avant de monter sur scène — ces quelques minutes qui parfois s’éternisent — ne sont pas mes préférés ! Papillons dans le ventre, nausées, stress, trac… Non vraiment, ce n’est pas un moment agréable ! À chaque fois, c’est la même chose. La répétition permet d’avoir une certaine habitude et connaissance de ces sensations, mais pas de les supprimer. On apprend juste à les gérer, parce qu’on les connaît par cœur.

Et surtout, ce qui est fou, c’est que malgré cet inconfort, je me dis à chaque fois que je ne céderai ma place pour rien au monde ! Donc c’est que je suis à la bonne place (sourire).

Et à tous ceux qui me demandent : « Avec l’expérience, ça finit par devenir une habitude, non ? Le trac finit par disparaître ? », j’aime toujours rappeler cette petite anecdote de Sarah Bernhardt. Une jeune comédienne lui avait dit : « Moi, je n’ai jamais le trac sur scène », et elle lui avait répondu : « Ne vous inquiétez pas, le trac, cela vient avec le talent. »

Cela dit, une fois sur scène, salle plongée dans le noir, projecteurs braqués sur moi… ce moment est juste fabuleux. Il est d’une puissance énorme, indescriptible, qui te porte et t’envoie une énergie folle.
Évidemment, toutes les salles ne sont pas les mêmes : je trouve beaucoup plus facile d’être en immersion totale dans mon monde quand la salle est plongée dans le noir, plutôt que dans celles où l’on voit le public. C’est bien plus difficile de décrocher de la réalité, de s’autoriser à s’évader…

JustMusic.fr : « Se retrouver » raconte un amour étalé dans le temps, où les lignes ne se rejoignent que plus tard. T’es-tu inspirée d’une histoire vécue, rêvée ou empruntée ?

Elan : Jusqu’à présent, 100 % de mes chansons sont issues d’histoires vécues ! Celle-ci ne déroge donc pas à la règle.

Mes textes partent toujours d’un fait réel, mais ils sont évidemment romancés. Ma vie et mon quotidien me servent de point de départ narratif, de point d’accroche, mais le but, ensuite, c’est de raconter des histoires. Et une histoire, c’est fait pour s’évader, pour laisser place à l’imaginaire : ce qui aurait pu se passer, ce qu’on aurait aimé ou non qu’il se passe, nourrir ses fantasmes — et ceux du public. Pas juste raconter le quotidien !

Ces retrouvailles ont donc réellement eu lieu.
Pour ce qui est de l’histoire d’amour qui en a découlé… je te laisse imaginer la suite !

JustMusic.fr : Pourquoi avoir choisi Acquin pour ce duo ? Qu’est-ce que sa voix ou sa sensibilité a apporté à ce titre ?

Elan : Je connais Acquin depuis plusieurs années. Il m’avait contactée pendant la covid pour être sa violoncelliste, et je l’ai donc accompagné sur scène pendant toute la promotion de son album en 2021.

J’adorais sa voix et je lui avais alors demandé de venir enregistrer chez moi sur un titre.
Je venais tout juste de commencer à travailler avec mon réalisateur, Pierre Locatelli, mais le choix final s’est finalement porté sur un enregistrement en solo plutôt qu’en duo.

Lors de la release party au Cancan Pigalle de ce premier EP, trois ans plus tard, j’ai voulu partager la scène avec quelques artistes et amis, et c’est tout naturellement que j’ai proposé à Acquin de refaire ce duo. Finalement, l’idée m’est venue de lui proposer aussi d’interpréter « Se retrouver ». Le titre n’avait pas du tout été écrit dans cette idée-là, j’ai donc découpé le texte de manière à ce qu’un dialogue puisse s’établir.

Sa voix, son interprétation… tout m’a semblé tout à coup évident. Et dès le lendemain du concert, je lui ai demandé de venir en studio avec moi pour l’enregistrer — alors que la chanson était déjà en cours de mastering !

Je trouve que sa présence donne une véritable profondeur au texte, un réalisme. Elle permet de mieux se projeter dans cette histoire, de rendre les deux personnages vraiment palpables, chose qui était plus difficile quand j’étais seule à l’interpréter.

JustMusic.fr : Ton second EP est prévu pour 2026. Que peux-tu déjà nous dire de son esprit, de ce qu’il portera de toi que l’on ne connaît pas encore ?

Elan : Ce second EP sera plus brut, moins romancé, moins conté.
La princesse désabusée est toujours là, mais la plainte lyrique laisse place à une parole plus franche, plus assumée. Cela se traduit par une interprétation différente dans la voix, et par des arrangements moins grandiloquents, plus épurés.

JustMusic.fr : À celles et ceux qui n’osent pas encore « se retrouver » eux-mêmes : que leur dirais-tu, toi, avec ta voix, ton violoncelle et ta plume ?

Elan : Se retrouver avec soi-même ou à deux ?! (Rires).

Je dirais à celles et ceux qui se cherchent que c’est le chemin d’une vie, et qu’il s’accompagne de réflexions permanentes, de prises de notes, de stylos pour noircir des carnets… et d’une playlist musicale qui évolue avec nous.

Et à ceux qui n’osent pas se retrouver à deux, je leur dirais : voici le discours de « ieuv » que je ne pensais jamais tenir un jour, mais fais confiance à la maman que je vais devenir dans quelques semaines : arrête de chercher, arrête d’hésiter. Le jour où des chemins sont prêts à se croiser, ils ne te demanderont pas ton avis !

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