
Elle célèbre bientôt cinquante ans de carrière, mais n’a pas dit son dernier mot. Diane Tell revient aujourd’hui avec « Le mot et la chose », une chanson audacieuse inspirée d’un texte libertin du XVIIIᵉ siècle, annonçant un album aussi érudit que libre. Rencontre avec une artiste qui continue d’explorer, de surprendre, et de jouer avec les mots comme avec la musique.
JustMusic.fr : « Le mot et la chose » marque votre retour. Comment est née l’idée de remettre en lumière ce texte de l’abbé de Lattaignant ?
Diane Tell : J’aime la littérature, la poésie, les beaux textes depuis toujours. La poésie « érotique », située à la croisée de la poésie lyrique et de la littérature libertine, m’a toujours semblé être une excellente matière à chanson. « Le mot et la chose », avec sa fausse pudeur et sa chute parfaite, ajoute un zeste d’humour. N’ai-je pas chanté, dans « Si j’étais un homme », mon désir d’humour et de tendresse ?
JustMusic.fr : Qu’est-ce qui vous a séduite dans ces mots du XVIIIᵉ siècle au point d’en faire une chanson contemporaine ?
Diane Tell : La beauté des mots, la délicatesse, le charme, la langue. La vulgarité est pour moi un tue-l’amour. La poésie porte le désir au sommet de l’art.
JustMusic.fr : Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre humour, légèreté, poésie et modernité dans cette adaptation ?
Diane Tell : Je n’ai pas changé une virgule au texte de Lattaignant. La musique que j’imaginais autour de ces mots devait s’inscrire hors du temps. Je la souhaitais cinématographique, sans référence directe à une époque. Je me suis tournée vers le cinéma, justement, et une fois mes premières maquettes enregistrées, j’ai contacté le compositeur et arrangeur de musique de film Pablo Pico pour lui proposer de m’épauler dans ce projet ambitieux. Le courant est passé tout de suite entre nous. En toute liberté, il a fait exactement ce qu’il fallait, ce que j’imaginais, et j’ai pris un immense plaisir à poser ma voix sur ces mots sublimes.
JustMusic.fr : Aviez-vous d’autres textes anciens ou oubliés en tête pour ce nouveau projet ?
Diane Tell : Oui. Plein. Je collectionne les livres de poésie libertine depuis des années. J’ai choisi des textes de la Renaissance au XXᵉ siècle : Ronsard, La Fontaine, Pierre Louÿs, Gripari, Richepin… et une seule femme, Marie Nizet, dont le poème La Torche me touche particulièrement.
JustMusic.fr : « Polissonne » est un titre qui intrigue. Que peut-on déjà en dévoiler ?
Diane Tell : Nous avons choisi de mettre en musique « Polissonnerie » de Voltaire. Le titre de l’album vient de là. J’aime ce mot. Un polisson, ou une polissonne, c’est quelqu’un qui ne respecte pas toutes les règles, mais le fait avec élégance et humour. Pour moi, ce mot est synonyme de liberté, de malice, de jeu.
JustMusic.fr : Quel sera le fil conducteur de cet album ? Le jeu, la liberté, l’audace ?
Diane Tell : Oui, tout cela, mais j’aimerais aussi que ce projet soit multidisciplinaire. Une œuvre musicale et littéraire, avec, si possible, la création d’un film d’animation dont Polissonne serait le personnage principal et l’album, la bande originale. Nous y travaillons.
JustMusic.fr : Est-ce un disque qui puise dans vos racines ou, au contraire, un pas vers un nouvel horizon sonore ?
Diane Tell : Tous mes albums se veulent différents de ce que j’ai pu faire auparavant, ou même, sans prétention, de ce qui existe déjà sur le marché !
JustMusic.fr : Cinquante ans de carrière… Que ressentez-vous à l’idée de célébrer cette étape ?
Diane Tell : Je l’ai déjà dit, je n’aime pas beaucoup l’idée de fêter mes anniversaires. Mais ceux des autres, ça va. Je fêterai donc les cinq décennies de fidélité du public. Ce sera une manière de dire merci, car grâce à cette longue relation de fidélité qui nous unit, j’ai vraiment eu la belle vie d’artiste dont je rêvais. Bien au-delà de mes espérances.
JustMusic.fr : Comment avez-vous sélectionné le répertoire couvrant quinze albums pour vos concerts ?
Diane Tell : Tout n’est pas encore fixé, mais nous proposerons bien sûr des versions sobres et respectueuses des chansons préférées du public au fil des années. Pour les autres titres, nous choisirons des morceaux qui nous permettent de jouer la musique qu’on aime, et qu’on a envie de vous faire entendre.
JustMusic.fr : Travailler avec un « band québécois cinq étoiles », mené par Julien Fillion : qu’est-ce que cela apporte à vos chansons ?
Diane Tell : Beaucoup de fraîcheur. Ils sont merveilleux, talentueux, ils aiment le répertoire, on s’adore et nous avons vraiment envie de jouer ensemble. Il faut donc s’attendre à de très bons concerts. La musique, sa qualité, est la priorité des priorités pour cette tournée.
JustMusic.fr : La tournée commencera au Canada en 2026. En quoi s’annonce-t-elle différente de toutes celles que vous avez faites auparavant ?
Diane Tell : Quarante dates sur deux mois (octobre 2026 et avril 2027), c’est extrêmement rare. Je ne l’ai jamais vécu, et peu d’artistes ont la chance de s’embarquer dans une tournée d’une telle intensité. D’ordinaire, on est super contents si l’on donne deux ou trois représentations par semaine.
JustMusic.fr : Y aura-t-il des surprises, des réarrangements, des invités ?
Diane Tell : Pas d’invités a priori, sauf exception, il y a toujours des exceptions ! Je veux un son de band, pas celui d’une chanteuse accompagnée de ses musiciens. Un band qui, bien sûr, signera les arrangements des morceaux choisis.
JustMusic.fr : Quand vous repensez à l’album de 1977, qu’est-ce que vous diriez à la jeune Diane qui débutait ?
Diane Tell : « Diane, c’est ton album, pas celui de la maison de disques. Fais l’album dont tu seras fière, celui que tu auras envie d’écouter dans cinquante ans ! »
JustMusic.fr : Quelles sont les chansons qui ont le plus compté pour vous dans ces cinq décennies ?
Diane Tell : Celles que le public a préférées sont essentielles. Sans ces succès, j’aurais peut-être disparu. Ne me demandez pas lequel de mes enfants je préfère : c’est impossible de choisir… En revanche, certaines rencontres ont été très importantes et très fécondes. Toutes, en fait.
JustMusic.fr : Qu’est-ce qu’il vous reste encore envie d’explorer, musicalement ou autrement ?
Diane Tell : J’aimerais faire un album live. Je n’ai jamais publié l’enregistrement d’un de mes concerts.
JustMusic.fr : Vous dites ne pas avoir dit votre « dernier mot ». Quel serait le prochain ?
Diane Tell : J’aimerais écrire toutes les chansons d’un album, paroles et musique, comme je l’ai fait pour les quatre premiers.
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