INTERVIEW : Rencontre avec Martin Luminet

Martin Luminet sortira son premier album ce vendredi. Nous vous conseillons vivement de découvrir son bel univers !

JustMusic.fr : Pour commencer, peux-tu me dire comment tu es tombé dans la musique ?

Martin Luminet : J’ai commencé tard car dans ma famille mon grand-père a une chocolaterie qui est assez connue, et depuis ma naissance ils ont tous fait en sorte que j’en sois l’héritier. C’est sympa sur le papier, mais faire des plans pour quelqu’un sans lui demander son avis, peut lui créer des frustrations. J’ai mis du temps avant de me demander ce que je voulais faire et c’est à la fin du lycée et pendant mes études à Sciences Po, que j’ai senti que j’allais faire une erreur si je suivais ce chemin qu’on m’avait tracé. J’ai par hasard rencontré des amis qui se sont mis à faire de la musique, et je me suis surpris à avoir envie d’écrire pour eux. C’est en le faisant que pour la première fois, j’ai fait la connaissance avec moi-même (sourire). Le fait d’écrire m’a fait comprendre plein de choses…

JustMusic.fr : Notamment que tu étais un monstre ? Vu que ton premier EP qui est sorti en 2021 s’appelle « Monstre »…

Martin Luminet : Exactement (rires) ! Je me suis dit que j’avais raté beaucoup de choses, car je n’étais pas attentif à ce qui se passait en moi et autour de moi. La notion de monstre est le fait d’assumer de se regarder lucidement même si tout ce qu’on fait n’est pas parfait. J’ai voulu me présenter de cette manière, plutôt que de me faire passer pour quelqu’un de parfait qui pourra décevoir par la suite.

JustMusic.fr : Tu sortiras ton premier album « Deuil(s) » le 17 février. Peux-tu me présenter les trois premiers extraits ?

Martin Luminet : Le premier « Revenir » est une chanson qui parle d’une rupture amoureuse avant qu’elle ait lieu. Quand tu sens que ton amour va s’écrouler et qu’il n’y a pas d’autres échappatoires que de le défaire. Parfois une rupture peut te libérer, car tu peux avoir plus mal pendant qu’après la séparation. C’est ce que j’ai vécu, car j’étais vraiment malheureux et la séparation a été une libération.

Ensuite il y a eu « Deuil » qui est une chanson assez frontale, qui explique ce qu’est un corps une fois qu’on lui a retiré l’amour d’un point de vue amoureux, mais aussi de celui de quelqu’un qui m’était très cher, mon grand-père. Il est décédé pendant que je préparais l’album, et j’ai voulu me questionner sur l’autopsie d’un corps à qui il manque deux personnes les plus importantes dans sa vie. A qui j’allais désormais m’adresser… Je me suis rendu compte qu’il fallait que je sois guéri avant de retourner vers le monde extérieur.

Et le troisième « Etouffé » qui demande s’il vaut mieux être heureux qu’amoureux dans la vie quand on est en couple. J’ai déjà été très amoureux mais malheureux, c’était très étrange comme sentiment. A force d’aimer une personne à contre-coeur, on étouffe et il faut s’arrêter.

JustMusic.fr : C’est un album assez triste alors qu’as-tu voulu faire passer ?

Martin Luminet : Pour ma part, même s’il parle de sujets tristes, ce n’est pas un album triste. J’ai voulu dire qu’il faut regarder la tristesse droit dans les yeux, pour se dire que l’on est heureux. Si on essaie d’éviter les moments durs dans la vie, on passe à côté de différentes chutes mais qui auraient pu nous apporter des vérités. La tristesse apporte également une lucidité sur les choses. Quand on sait qu’on a été triste, on arrive davantage à s’apercevoir qu’on est heureux, vu qu’on est loin de cet état (sourire).

JustMusic.fr : Comment s’est passé la création de cet opus ?

Martin Luminet : Je travaille en étroite collaboration avec Benjamin Geffen, qui est le réalisateur du disque et qui m’accompagne aussi sur scène. Dès que je termine une chanson, il va créer tout l’habillage musical. C’est assez agréable car sans se le dire, on avait les mêmes désirs. J’avais l’impression d’être avec une sorte d’âme sœur musicale (sourire).
Ma manageuse Marion est très présente car nous avons une très belle relation sur plusieurs choses et surtout sur les textes. C’est la première personne qui va me lire et c’est aussi une âme sœur pour moi.
Sinon, j’ai travaillé avec un artiste qui s’appelle Terrier et il nous donnait un autre regard qui était super précieux.

JustMusic.fr : Il y a le titre « Bodemont » qui est une chanson parlée. Pourquoi ?

Martin Luminet : J’aime bien les titres parlés. Souvent dans les chansons on parle de choses qui nous sont arrivées, ou qu’on n’a pas réussi à dire au moment venu. Elle répond à un acte passé dans le présent. Le faire en parlant fait que ce n’est pas enjolivé et que ça raconte la vérité du moment. Le chanter en parlé est sans doute un désir que j’ai, à vouloir m’entendre le dire de la manière la plus simple et sobre possible. Cette chanson est celle qui va le plus loin vers la blessure, qui est le deuil de la perte de mon grand-père. Je ne voulais pas qu’elle soit dans la séduction et ça m’a fait beaucoup de bien (sourire). Je voulais soit déconcerter ou attirer les auditeurs car je considère cette chanson comme un aveu. Je suis toujours sincère, mais là encore plus. Souvent quand on est habité par un sentiment aussi fort, les mots sortent très justement.

JustMusic.fr : Une tournée est annoncée et tu seras à Paris, à la Maroquinerie, le 21 mars 2023. Comment tu es sur scène ?

Martin Luminet : Ce n’est pas triste (sourire) et j’essaie de rendre le concert à mon image. Je ne souhaite pas célébrer la tristesse, mais qu’on soit tous réunis car c’est un appel à la liesse. C’est comme un stade de foot, mais ce n’est rempli que par des gens sensibles (sourire). Je fais beaucoup de blagues qui ne sont parfois pas drôles, mais ça me fait du bien (rires). Je veux servir au public ma joie d’être sur scène et voir qu’il y a du monde devant moi.

JustMusic.fr : Tu es auteur, compositeur et tu réalises également tes clips. C’est comment cette autre casquette ?

Martin Luminet : J’aime beaucoup le cinéma donc c’est sympa de créer des mini-films, pour évoquer ce que la chanson évoque au-delà de la musique et des mots. Avec les clips je souhaite tirer le fil d’une émotion de la chanson ou de s’engouffrer dans ce qu’elle raconte. Je ne m’en sers pas pour faire de la pub, mais pour aller plus loin dans ce que m’éprouve la chanson.

JustMusic.fr : Ça ne te donne pas envie de faire du cinéma ?

Martin Luminet : J’ai un désir d’écriture de format plus long que des chansons, donc comme j’aime beaucoup le cinéma je me dis au fond moi, que je me frotterai un jour à l’écriture de scénarios. Je m’amuse toujours sur les tournages de clips et j’adore regarder les making-off des films.

JustMusic.fr : Pour que les gens puissent te connaître un peu mieux, de quel artiste es-tu le plus proche ?

Martin Luminet : J’aime beaucoup Kae Tempest qui est un artiste anglais non genré. Je l’admire pour ses textes profonds et je me reconnais dans les sujets abordés. C’est l’artiste qui m’inspire le plus et qui me donne envie de me dépasser ! Il me fait voir le monde avec beaucoup d’intensité et ça me fait un bien fou !

JustMusic.fr : Et quelle chanson d’un autre aurais-tu aimé écrire ?

Martin Luminet : « France culture » d’Arnaud Fleurent-Didier et il parle assez frontalement de son rapport aux parents. J’adore ce titre qui raconte ce que ses parents lui ont appris ou pas. A la fin on se rend compte qu’en renversant le miroir, c’est également très dur d’être parents.

JustMusic.fr : Pour conclure, peux-tu me donner trois mots pour décrire ton album ?

Martin Luminet : Sensible, lucide et libre (sourire).

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