Auteur, compositeur et interprète, Antoine Solo dévoile « Excès de vie », un premier EP vibrant où la fête côtoie la mélancolie. Il se confie à JustMusic.fr sur son parcours, ses influences et cette envie profonde de redonner du sens à la pop.
JustMusic.fr : Tu dis que la musique a toujours été là. À quel moment tu as su que tu voulais en faire ton métier ?
Antoine Solo : J’ai commencé à écrire des chansons vers mes 15 ans, mais à ce moment-là, je le voyais plus comme une passion qu’un métier. Je voulais faire du cinéma.
Et puis vers mes 20 ans, je me suis rendu compte que ça faisait cinq ans que je n’écrivais plus de scénarios, mais des chansons. C’est venu naturellement, sans plan de carrière. J’ai juste observé ce que je faisais spontanément, ce qui me rendait heureux — et c’était la musique.
JustMusic.fr : Tu as grandi dans un univers très funk et soul grâce à ton père pianiste. Qu’est-ce que tu as gardé de cet héritage dans ta musique d’aujourd’hui ?
Antoine Solo : Le rythme, le groove. C’est vraiment quelque chose que j’ai pris de cet héritage-là : cette manière de faire bouger les accords, de groover dans l’harmonie, dans le piano ou la guitare.
Par exemple, dans « Pourquoi je sors comme ça », il y a ce piano et cette grille d’accords typiques de cette culture funk et soul. Je crois que ça m’a marqué pour toujours.
JustMusic.fr : À l’inverse, ta mère t’a transmis l’amour des mots et de la chanson française. Comment ces deux influences cohabitent-elles chez toi ?
Antoine Solo : C’est vrai que ma mère m’a transmis le goût des mots, des chansons à texte, de Michel Berger, France Gall…
Et ce qui est beau, c’est qu’eux aussi étaient influencés par la musique américaine. Donc moi, j’ai pris ce groove-là, mais en essayant d’y coller une écriture à la française.
J’aime que le texte ait du sens, qu’il raconte quelque chose, mais aussi qu’il ait du rythme, presque une musicalité dans les mots. C’est ce mélange qui définit ma musique aujourd’hui, de la disco-pop à texte.
JustMusic.fr : Tu te qualifies de « spécialiste de la mélo, mais trop mélo pour certains ». Qu’est-ce que ça veut dire ?
Antoine Solo : C’est un petit jeu de mots, à la base (rires).
Je ne voulais pas d’une bio trop sérieuse, parce que je n’aime pas me prendre au sérieux.
Mais ça résume bien quelque chose : je fais une musique pleine d’émotion, de mélodies, de drama parfois, mais je garde du recul.
Je suis fier de mes mélodies, c’est clairement mon point fort. Et en même temps, je n’ai pas envie de poser ça comme un truc solennel : je fais de la musique sérieuse, sans me prendre au sérieux.
JustMusic.fr : Tu dis être « au fond du bus de la musique » : c’est une façon de rester humble ou d’assumer un parcours encore en construction ?
Antoine Solo : Un peu les deux.
Je sais qu’il y a plein de gens plus doués que moi, et c’est très bien. Moi, je n’ai jamais été le premier de la classe, ni la personne qui a une étoile avec lui. J’ai toujours eu ce sentiment d’être un peu le cancre du fond du bus.
Mais au final, je suis dans le bus, et c’est ce qui compte. J’ai encore beaucoup à apprendre, et ma musique reflète ça aussi : c’est une musique pas snob, simple, sincère, faite pour être partagée. Une musique de « fond du bus », dans le bon sens du terme.
JustMusic.fr : « Excès de vie » est ton premier EP. Comment tu le décrirais en une phrase ?
Antoine Solo : C’est l’histoire d’un garçon qui va faire la fête pour oublier une rupture… jusqu’à en mourir, puis revivre grâce à la musique.
JustMusic.fr : Le fil conducteur du disque, c’est une rupture et la fuite dans la fête. Qu’est-ce qui t’a donné envie d’en faire le cœur de ton histoire ?
Antoine Solo : C’est ce que j’ai vécu. Entre mes 18 et 22 ans, j’ai traversé des ruptures, des excès, des soirées où on buvait beaucoup, des moments un peu sombres.
Tout ça s’est mélangé, et j’ai eu besoin d’en parler, de comprendre ce que ça disait de moi.
Cet EP, c’est un peu le résumé de cette période : les amours, la fête, les excès, les remises en question.
JustMusic.fr : On sent une dualité entre la fête et la douleur, entre la lumière et la mélancolie. C’était une manière de dire que les excès cachent souvent des blessures ?
Antoine Solo : Oui, totalement. Et c’est même une certitude pour moi : les excès cachent des blessures, par nature.
Dans le moment, l’excès, c’est joyeux, c’est vivant, c’est ce qui nous fait tenir. C’est pour ça qu’on le fait.
Je voulais que les chansons dansent, qu’elles reflètent ce paradoxe-là. Et je crois que c’est seulement en le racontant comme ça, avec joie, avec rythme, qu’on touche vraiment à la vérité de ce qu’on vit dans l’excès.
JustMusic.fr : « Tracé nos vies » ouvre l’EP sur une note très soul et intime. Pourquoi ce choix ?
Antoine Solo : Parce que « Tracé nos vies » parle du moment où on réalise que c’est fini. C’est le début de la rupture, celui où on comprend que l’autre est vraiment parti.
Je trouvais ça logique d’ouvrir l’histoire par ce moment-là, le point de départ de tout ce qui va suivre.
JustMusic.fr : « On va pas s’mentir » parle d’un garçon qui n’a pas su dire « je t’aime ». C’est autobiographique ?
Antoine Solo : Oui, complètement. C’est une histoire que j’ai vécue, adolescent. Le fait de ne pas savoir dire « je t’aime », de regretter après… C’est très personnel, et je pense que beaucoup de gens s’y reconnaissent.
JustMusic.fr : « Boogie », avec Victoria Flavian, est le titre le plus festif. Comment est née cette collaboration ?
Antoine Solo : Je bosse avec le studio « Moins C’est Plus », les frères Mab. Ce sont eux qui m’ont parlé de Victoria Flavian. On s’était déjà croisés, et ils m’ont dit qu’elle serait parfaite pour ce titre.
On s’est rencontrés, ça a tout de suite matché musicalement. Et l’envie de faire danser, c’était essentiel : je voulais raconter la fête en la vivant, en la dansant. Parce que sinon, on passe à côté du propos. Et puis, c’était juste un vrai kiff aussi : faire un son qui fait bouger les gens, tout en gardant une deuxième lecture derrière, quand tu prends l’EP dans son ensemble.
JustMusic.fr : « Pourquoi je sors comme ça » parle de la dépendance à la fête. Tu t’y reconnais ?
Antoine Solo : Oui, clairement.
J’ai eu mes problèmes avec l’alcool, avec la fête, pas forcément dans la quantité, mais dans les moments où je buvais pour oublier.
C’est là que ça devient destructeur. Donc oui, c’est personnel, mais aussi inspiré de ce que j’ai vu chez des potes. Des soirées qui deviennent des échappatoires.
JustMusic.fr : « En fin. » parle de la mort comme d’un départ en train, c’est une image très poétique. Tu te sers souvent du piano pour aborder les sujets les plus lourds ?
Antoine Solo : Oui, complètement. Le piano, c’est mon premier instrument, mon confident. J’en fais depuis mes cinq ans, j’ai fait le conservatoire, c’est toute ma vie.
Et sur « En fin. », c’est encore lui qui me guide.
Je compose toujours en piano-voix, c’est mon point de départ. Et cette image du train m’est venue naturellement. C’était une façon douce d’aborder quelque chose de très dur.
JustMusic.fr : « Déchocage » sert de conclusion et d’intro au prochain projet. Tu penses déjà à la suite ?
Antoine Solo : Oui, et même activement (sourire).
Je suis sélectionné dans le projet ISMA, entre Le Plan (à Ris-Orangis) et l’EMC (à Malakoff). Pendant un an, je vais y développer un EP avec eux et il y aura un titre dont « Déchocage » est l’intro ! Et effectivement, dans le propos de mon EP Déchocage, c’est la renaissance, la survie, la réanimation à travers la musique.
JustMusic.fr : Tu dis vouloir parler de sujets forts, comme le suicide, mais avec énergie et espoir. Comment on aborde ça sans tomber dans le pathos ?
Antoine Solo : Je crois qu’il faut partir du quotidien.
Des petits gestes, des images simples, comme « clé, portable, j’ai rien oublié ».
C’est souvent là que se cachent les émotions les plus fortes.
Et puis il faut être tendre. Ne pas chercher à choquer, ni à se plaindre. Juste raconter, avec délicatesse.
Après, chacun a sa manière d’en parler, mais moi, c’est comme ça que j’arrive à rester vrai.
JustMusic.fr : Tu cherches une forme de « sincérité nue » dans tes textes. Ça veut dire quoi pour toi ?
Antoine Solo : Ça veut dire parler de qui on est, vraiment.
J’ai parfois ce défaut, que j’essaie de corriger, où j’écris sur la personne que j’aimerais être, pas sur celle que je suis, alors que la sincérité nue, c’est l’inverse, et je veux tendre vers ça.
C’est assumer les petits détails, les failles, les trucs dont on a honte. Tout ce qu’on ne dit pas dans la vraie vie, il faut l’écrire dans les chansons. C’est là que la vérité commence et que tu touches les gens.
JustMusic.fr : Tes influences comme Mk.gee, Dijon ou Jon Batiste sont très modernes. Qu’est-ce qui t’inspire chez eux ?
Antoine Solo : Leur innovation sonore.
Jon Batiste, par exemple, a une approche hyper organique, presque live, mais avec des textures modernes et c’est trop fort.
Ce sont des musiciens qui jouent, qui expérimentent, qui produisent, mais en gardant du jeu organique et hyper identifiable. C’est ça que j’aime chez eux.
C’est ce que je veux faire aussi : du moderne, mais avec la sensation d’un vrai pianiste, guitariste, qui joue chaque partie.
JustMusic.fr : Tu dis vouloir « redonner du sens à la musique pop ». C’est quoi une bonne chanson pop pour toi ?
Antoine Solo : Une bonne chanson pop, c’est une chanson qui sonne moderne, avec des mélodies accrocheuses, mais qui reste sincère et accessible.
C’est une chanson qui ne se prend pas au sérieux, mais qui dit quelque chose de vrai.
Et surtout, elle doit faire bouger. Si les gens ne tapent pas du pied, on a raté quelque chose.
JustMusic.fr : Tu dis espérer arriver à Bercy dans 15 ou 20 ans. Qu’est-ce que tu imagines d’ici là ?
Antoine Solo : Déjà, La Cigale, le Trianon, l’Olympia… et la Maroquinerie, j’aimerais beaucoup.
Et puis jouer ailleurs qu’à Paris, surtout dans le Sud, là d’où je viens. Jouer à Toulon, ce serait symbolique.
J’ai envie de tout faire : des albums, des EPs, des festivals… Je veux juste que ça vive, partout.
JustMusic.fr : Et pour finir, qu’aimerais-tu que les gens ressentent en écoutant ton EP ?
Antoine Solo : J’aimerais qu’ils ressentent ce que j’ai ressenti en le faisant : la douleur, la perte, mais aussi la joie, la fête, l’envie de vivre.
Qu’ils dansent, qu’ils chantent, qu’ils comprennent que même dans la souffrance, il y a de la lumière. Parce que c’est ça, « Excès de vie » : un cri d’amour à la vie, même quand elle fait mal.
 
		



